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vendredi 27 avril 2018

St Paul et le Liban


 Sur les traces de saint Paul au Liban
16/02/2009

« Mère de Dieu Hodigitria », patriarcat d’Antioche, école d’Alep, Neemeh al-Moussawir (présentée à Paris lors de l’exposition « Icônes du Liban » en 1996).
« Mère de Dieu Hodigitria », patriarcat d’Antioche, école d’Alep, Neemeh al-Moussawir (présentée à Paris lors de l’exposition « Icônes du Liban » en 1996).


Au moment où les pèlerinages religieux redeviennent d'actualité, le père Bruno Pin, aumônier du Collège Notre-Dame de Jamhour, qui vit au Liban depuis 1965, nous livre un document passionnant qu'il a préparé à propos de la route de saint Paul. En voici quelques extraits :
La référence à la Phénicie est un indice précieux pour évaluer l'expansion de la foi en Phénicie à l'époque apostolique. Nous savons, grâce aux Actes des Apôtres, que cette évangélisation avait commencé une bonne dizaine d'années plus tôt, vers l'an 36. Aujourd'hui, le pèlerin paulinien peut se permettre d'imaginer la marche de Paul et de ses compagnons lancés avec entrain sur les routes de Phénicie. Pour cela, il peut s'arrêter auprès du vieux pont romain de Maameltein dont l'arche antique enjambe le lit asséché du fleuve. 
Les escales de Tyr et de Sidon nous révèlent la présence organisée de communautés chrétiennes vivantes et actives. Ce sont des communautés ouvertes à l'action de l'Esprit. Elles sont unies et familiales. Elles prient lors de leurs rassemblements publics, à l'extérieur. Elles sont attentives aux nouvelles des autres Églises. Elles font preuve de compassion spirituelle et d'assistance fraternelle. Elles sont missionnaires envers l'environnement païen qui est le leur. Enfin, elles partagent la joie de l'évangélisation. Aussi, comment ne pas reconnaître dans ces caractéristiques, celles-là mêmes qui furent la marque de la communauté de Jérusalem, au lendemain de la Pentecôte ? Ainsi, à l'automne de l'an 60, saint Paul est emprisonné. Il est embarqué pour Rome où il doit comparaître devant le tribunal de l'empereur. Le navire fait escale à Sidon, où « Julius fit preuve d'humanité à l'égard de Paul en lui permettant d'aller trouver ses amis », et ce pour un jour. Qui sont donc ces amis de Paul à Sidon ? Certainement des frères de la communauté qu'il connaît et avec qui il a pu entretenir des liens amicaux lors de précédents passages. 
En notre temps, l'Eglise qui est au Liban se considère historiquement et apostoliquement comme l'héritière de ces communautés du Ier siècle, visitées et sanctifiées par la présence de Paul. Toute notre Église, dans son unité et sa diversité, assume cette fidélité au patrimoine apostolique qui lui a été transmis dès les origines. Nous découvrirons ainsi l'héritage de saint Paul dans cinq domaines : des légendes locales (saint Paul et le miel à Sidon, la petite crique de Tabarja d'où l'apôtre s'embarqua pour Chypre), l'iconographie paulinienne (dans la vallée de la Qadisha et à Hadchit, Amioun, Maad, Kfar Qahel, Eddé, Balamand, Beyrouth, Bqaatouta, Jezzine), la transmission des écrits (documents de la Bibliothèque orientale de l'Université Saint-Joseph, des couvents de l'ordre basilien aleppin à Sarba et à Bmakkin, du couvent Saint-Jean-Baptiste à Choueir, ainsi que la Bible polyglotte de Paris, publiée en 1645 et à laquelle ont participé deux orientalistes maronites de renom, Gibraïl al-Sahyouni et Youhanna al-Hasrouni, et la grande Bible en arabe publiée par l'Imprimerie catholique de Beyrouth en 1881 sous la supervision des pères jésuites), la présence liturgique (fête de la conversion de saint Paul le 25 janvier et fête des saints Pierre et Paul le 29 juin), et la pierre et l'esprit (de nombreux sanctuaires et ermitages à Ehden, Beit-Chabab, Qattine, Ghabalé, Harissa, Akoura et Annaya où vécut saint Charbel Makhlouf). 
Au terme de ce parcours dans le temps et la vie de la foi, nous avons la conviction que la relation du Liban avec saint Paul n'est pas finie. C'est justement la finalité de « l'année Saint-Paul » de pouvoir intensifier encore les liens si réels qui unissent l'Église au Liban et l'apôtre. Aussi une question s'impose à notre esprit pour conclure cette longue démarche : quel message l'apôtre Paul peut-il nous délivrer ? Oui, quelles paroles précises et opportunes veut-il adresser aujourd'hui à tous ceux qui revendiquent à juste titre, d'être les héritiers de ces « frères » qui l'accueillirent à Tyr et qui y ont prié avec lui, de ces « amis » de Sidon qui lui ont manifesté leur assistance fraternelle dans ses épreuves, de ces jeunes communautés de Phénicie avec qui il a partagé la joie de l'évangélisation ? Parmi tant d'exhortations possibles tirées de ses Épîtres, nous en avons préféré une. Nous invitons chacun à ouvrir la « lettre aux Colossiens » en son chapitre 3, 12-17. Le pèlerin spirituel de ce jubilé y entendra l'apôtre tracer en toute fraternité la voie du renouveau de cette « année Saint-Paul » pour ses frères et ses amis du Liban. 

Saint Paul à Tyr 
(Actes 21, 1-6). Cette nouvelle citation des Actes nous est particulièrement précieuse. Paul achève son troisième voyage missionnaire qui l'a conduit de l'Asie (Turquie) en Grèce. Il décide alors de retourner à Jérusalem. Nous sommes en l'an 58. Les communautés chrétiennes sont alors bien implantées dans les cités du littoral, à Tyr et à Sidon. L'escale à Tyr nous en fournit un témoignage précis et révélateur. Pendant sept jours, Paul accompagné de son ami Luc (remarquer l'emploi du pronom « nous ») découvre une communauté qui semble importante et il en reçoit une hospitalité chaleureuse. Sa réputation missionnaire, les échos de son enseignement épistolaire et de sa prédication l'ont certainement précédé. Imaginons cette semaine que Paul a passée au sein de la communauté de Tyr. On lui aura fait narrer ses périples et ses aventures, faites de joies et de peines, d'épreuves et de grâces. Les anciens de Tyr n'auront pas manqué de lui demander de préciser des points de son enseignement : le Christ qui avait lui aussi séjourné dans cette ville, l'Église, la mission, la vie de foi et de charité des disciples. Peut-être, en la veille du jour du Seigneur, dans la maison d'un frère, il aura refait le repas du Seigneur selon « ce qu'il avait reçu de la tradition qui vient du Seigneur ».

En peu de phrases, les Actes nous dépeignent cette communauté de Tyr et ses charismes. « Poussés par l'Esprit... », ils supplient l'apôtre de ne pas monter à Jérusalem, où ils pressentent que de graves épreuves l'attendent. Et surtout, il y a cette description d'une Église qui prie. C'est un témoignage direct, simple et pourtant si émouvant : « Hors de la ville, nous nous mîmes à genoux sur la grève pour prier... ». C'est là un tableau saisissant d'une communauté en pleine communion spirituelle avec le Christ et en communion fraternelle avec Paul. Elle nous dévoile aussi une communauté familiale dans laquelle prient les épouses et les enfants. Remarquons aussi que toute cette communauté se rassemble, chante et prie à genoux sans aucune gêne face à l'environnement païen de Tyr, ouvert à tous les cultes. Mais quelle prière les disciples de Tyr, unis à Paul, ont-ils fait monter vers le Seigneur ? Ce fut une prière de supplication pour que le Seigneur protège son apôtre. Ce fut une prière d'action de grâce pour l'action de l'Esprit dans la mission. Ce fut, dite très fraternellement, la prière du Seigneur, à genoux, sur le rivage de Tyr. 

P. Bruno Pin