Translate

Affichage des articles dont le libellé est Andre Sacy. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Andre Sacy. Afficher tous les articles

dimanche 22 juillet 2018

Liban Terre Sainte

LIBAN TERRE SAINTE
Par Andre Sacy 
Il y a quelques jours, le Liban a appris officiellement que le Vatican avait remis le pays sur la liste du tourisme religieux. On sait depuis longtemps que le Vatican bouge très lentement, et c’est une bonne chose. Mais c’est oublier que le Liban a déjà été mis sur la liste du patrimoine mondial du tourisme religieux depuis longtemps, le dernier lieu a y être inclus étant le sanctuaire de Maghdouché il y a deux ans et en grande pompe par l’Organisation internationale du tourisme religieux! Tout en étant fiers de la vallée sainte de la Qadicha, de tous nos saints libanais, et de Harissa, il existe tout un patrimoine religieux écarté ou ignoré.

Bien avant les Croisades déjà, Tyr, mais surtout Acre, recevait des groupes de pèlerins chrétiens arrivés par mer pour aller en Terre Sainte visiter Cana, mais surtout Nazareth, Bethléem et Jérusalem. Toutefois, la grande majorité venait par terre, par petits groupes, et les heureux élus qui avaient eu la chance de passer entre les mailles des filets étaient les privilégiés qui n’avaient pas été massacrés en chemin. C’est avec les arguments de la libération du tombeau du Christ des mains des Infidèles, et le drame de l’insécurité lors de leur passage et des sévices auxquels ils étaient soumis que les prêches pour les Croisades ont débuté.
Aujourd’hui encore et très régulièrement, peu de Chrétiens, aussi bien en Orient qu’en Occident, et par méconnaissance historique, considèrent le Liban comme partie intégrante de la Terre Sainte, au même titre que la Palestine, centre de l’activité du Christ de Son vivant, que l’Egypte, première terre refuge de la Sainte Famille après la Nativité, que la Syrie de Paul, de ses sept papes et de ses empereurs romains, ou de la Jordanie, berceau du Jourdain et du baptême de Jean-Baptiste. Que même la Turquie, aujourd’hui pratiquement entièrement musulmane, a revendiqué cette sainteté territoriale du fait des tout premiers Conciles et des Pères de l’Eglise qui ont jeté les bases de la religion du Christ sur son territoire, de la Trinité à l’Incarnation. Que la Terre Sainte ne se limite pas à la terre d’Israël aujourd’hui, de la Palestine et du Jourdain. Et que le Christianisme est d’abord une religion orientale.
Déjà dans le Cantique des Cantiques, on parle souvent des cascades d’eaux qui déferlent du Liban, et de ses cèdres avec lesquels ont a construit les temples et les palais. Quand à Tyr et Sidon, elles sont citées plus d’une cinquantaine de fois dans la Bible.
Aucune certitude, aucun fondement historique ou archéologique par contre quand à la localisation exacte et l’authenticité des lieux vénérés par les habitants de ces pays, aussi bien juifs que chrétiens. Les références données par les quatre évangélistes sont le plus souvent floues et ne permettent aucune conclusion certaine. La plus ancienne avérée, celle de la grotte de la Nativité, et la découverte de la vraie Croix, remonte à 331 avec Hélène, mère de l’empereur Constantin. La Galilée, où la majorité des miracles se sont passés, avec ses contours géographiques flous, la fuite en Egypte et son chapelet d’églises et monastères sensés parsemer les pas de la Sainte Famille, le lieu du baptême du Christ dans les eaux du Jourdain, autant de lieux que les traditions populaires se déchirent. 
Les évangélistes Luc, Marc et Matthieu l’attestent. Le Christ a foulé le sol du Liban. Il a prêché et fait des miracles à Tyr, à Sarepta-Sarafand de Sidon, à Cana de Galilée et à Sidon, comme le certifient les évangiles. Et le mont Hermon, à la lisière entre le Liban, la Syrie et la Palestine, est bien la montagne de la Transfiguration. Sur quelle cime, sur quelle colline, sur quelle mont ou sur quel versant, qui pourra jamais le certifier, et de toute façon, quelle importance !
Les habitants de Tyr et Sidon sont cités de nombreuses fois dans les divers Evangiles comme exemples, et parmi les fidèles venus nombreux écouter la parole du Christ.
Saida possède une place, Sahat el Canane, où la tradition religieuse locale, aujourd’hui oubliée, situe le miracle de la femme cananéenne qui avait imploré le Christ pour qu’Il guérisse sa fille, et lui avait arraché le premier miracle sur une non juive. Canane serait dérivé de Canaan. 
Egalement une salle, attenante à la très ancienne église Saint Nicolas, où cette même tradition veut que les apôtres Pierre et Paul se seraient rencontrés, en présence de Luc l’évangéliste. Pierre y prêchait, et Paul, de passage pour Rome, y aurait fait escale pour y rencontrer ses amis. Dixit les Actes des Apôtres.
A cette liste, il faudrait également ajouter la grotte, sanctuaire marial inscrit récemment au patrimoine mondial du tourisme religieux, Saydet el Mantara au dessous de Maghdouché, où la Vierge attendait le Christ alors qu’Il prêchait dans la ville, toujours selon la tradition orale. A l’époque, les femmes juives ne rentraient pas dans les villes et localités païennes. Cette grotte sera redécouverte incidemment en 1721 par un berger à la recherche d’une de ses brebis tombée dans un trou. Dans la grotte, un autel creusé dans le rocher avec une ancienne icône de la Vierge Marie devait raviver la mémoire ancestrale de ce sanctuaire perdu. Une basilique monumentale, construite depuis, se veut le reflet de la vénération et de l’adoration des nombreux visiteurs, tant chrétiens que musulmans. Egalement, et sur le flanc de la colline, un sentier de réflexion, une variation du Chemin de Croix où les étapes figurent les épisodes et les lieux de la Bible et de l’Evangile consacrés au Liban.
Le premier miracle du Christ s’est fait à Cana de Galilée, Cana al Jalil comme nous disent les textes, à la demande de Sa mère qui avait constaté l’épuisement du vin servi aux convives lors d’un mariage auquel ils avaient été conviés. Peu de gens savent que la Galilée de l’époque était composée de la Haute Galilée, la montagne au dessus de Tyr et Sidon, et plus à l’Est, la Basse Galilée, ce que l’on appelle aujourd’hui le doigt de la Galilée, en Israël. L’appellation Galilée pour la montagne libanaise était courante jusqu’au siècle dernier. Deux localités du même nom se trouvent aujourd’hui en Israel, Kfar Cana et Kherbet Cana, et, au Liban, Cana, qualifiée de Cana Mayor, Cana la grande, sur une carte ancienne. Les trois localités revendiquent le lieu du miracle, et personne ne pourra jamais le certifier. Les trois étaient habitées à l’époque, avec des vestiges et des traces de vie, et régulièrement explorées par d’éminents archéologues et historiens. Et les trois villages, ainsi que la Galilée, à tour de rôle et à différentes époques, ont été soit totalement ignorées sur les cartes anciennes et par les pèlerins, soit visitées en pèlerinage.
Ironie de l’histoire, seuls les Israêliens ont intitulé leur occupation du Sud-Liban Paix en Galilée, alors que, Dieu sait pourquoi, nous avons occulté chez nous cette appellation ! 
Une tradition, vénérée jusqu’aux temps des Croisades, magnifiait une pierre à Saida sur laquelle se serait tenu le Christ pour prêcher. Elle aurait été emportée par des pèlerins Croisés, et transportée en Italie avant de tomber dans l’oubli avec la fin des Croisades. Ce rocher avait son pendant à Tyr, sur lequel le Christ se serait également hissé pour prêcher. Ce serait, au dire des historiens, la base d’un fût de colonne que l’on devine encore dans la chapelle croisée et byzantine, au centre de l’hippodrome de la ville. Ces deux traces ont été occultées depuis le départ des Croisés, la mainmise des Mamaliks et l’exode forcé des Chrétiens de la région. Un troisième rocher se trouve sous l’autel d’une église en Palestine, et se rapporte à un des miracles du Christ. Mais qui parle encore aujourd’hui de la Couronne d’épines, ou de la Vraie Croix du Christ, pour lesquelles on s’est tant battu, que l’on a maintes fois trouvées, perdues et récupérées, et tombées dans l’oubli depuis la fin des Croisades. La seule encore vénérée aujourd’hui serait la relique ramenée en France par Louis IX, et pour laquelle il a fait construire la Sainte Chapelle à Paris. Ou encore le Saint Suaire de Turin, tant et tant de fois expertisé. Autant de questions, et jamais d’assurances impossibles. C’est surtout la foi qui déplace les montagnes…
Que dire aussi du séjour de Louis IX de longs mois à Saida. Il est vrai que, à l’époque, il n’était pas encore le Saint Louis béatifié après son décès, mais son passage a laissé des traces indélébiles : collège et foyer Saint Louis des Jésuites à Saida, cathédrale latine de Saint Louis des Français à Beyrouth comme à Rome. 
Les pèlerins croisés vénéraient également sur leur passage vers la Palestine l’église dédiée à ND de Tortose, Tartous, et le monastère melkite de la Vierge à Saidnaya, Sardenay pour les Croisés, en Syrie. Et plus tard, la vallée sainte de la Qadicha, au Nord Liban, foyer de tant d’ascètes, d’ermites, et refuge des patriarches maronites et de leurs ouailles persécutées. Ils s’arrêtaient également à l’abbaye cistercienne de Belmont, aujourd’hui Balamand, passée aux moines melkites après le départ des Croisés. Alors Liban, Terre Sainte, bien sur et de plein droit.
Bien avant les Croisades déjà, Tyr, mais surtout Acre, recevait des groupes de pèlerins chrétiens arrivés par mer pour aller en Terre Sainte visiter Cana, mais surtout Nazareth, Bethléem et Jérusalem. Toutefois, la grande majorité venait par terre, par petits groupes, et les heureux élus qui avaient eu la chance de passer entre les mailles des filets étaient les privilégiés qui n’avaient pas été massacrés en chemin. C’est avec les arguments de la libération du tombeau du Christ des mains des Infidèles, et le drame de l’insécurité lors de leur passage et des sévices auxquels ils étaient soumis que les prêches pour les Croisades ont débuté.
Avant et après les Croisades, et avec la conquête de l’Islam, la ville de Saida recevait plus volontiers les pèlerins et voyageurs musulmans de passage qui rejoignaient Damas, lieu de départ traditionnel de la caravane en route pour le Hajj. Celle-ci était organisée annuellement par le Wali de Damas, qui en portait la responsabilité, et financée par la Sublime Porte qui envoyait chaque année un trésor en donation à la Mecque. Le Wali devait sécuriser le pèlerinage vers le Hedjaz et les lieux saints de l’Islam, et en assurer le ravitaillement. La caravane était sinon régulièrement attaquée par des bédouins des tribus arabes, qui rançonnaient et pillaient les pèlerins. Elle avait déjà dû, à plusieurs reprises, rebrousser chemin ou être carrément annulée quand les conditions de sécurité n’étaient pas réunies. Et, traditionnellement, ceux qui partaient étaient nettement plus nombreux que ceux qui en revenaient. Ceux-ci, plus rares, avaient eu la baraka de ne pas se faire rançonner, massacrer et piller, ou n’étaient pas morts d’épuisement avec les difficultés du voyage.

Creuset des trois plus grandes religions du monde à qui on veut imputer tous les malheurs de l’humanité, cette région à du mal à se défaire du poids de l’Histoire, et de l’omniprésence et du poids de ces religions. Mais Terre Sainte, oui, mille fois oui. Nous devons le revendiquer haut et fort, c’est aussi notre rôle et le sens de notre présence en Terre Sainte.
Pr. André Sacy