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samedi 9 avril 2011

Les fresques de la tombe de Tyr s’offrent au regard des visiteurs


Par May MAKAREM | OLJ samedi, avril 9, 2011

Tombe de Tyr, « Enlèvement de Proserpine ».
Tombe de Tyr, « Enlèvement de Proserpine ».

Anne-Marie Afeiche, conservatrice du musée national de Beyrouth, a présenté à « L'Orient- Le Jour » les projets et les grands travaux du musée. Objectif : ouvrir au public toutes les salles de son temple et faire rayonner d'autres espaces consacrés à des collections archéologiques mises au jour au cours des deux dernières décennies.
Si le musée national de Beyrouth a réussi durant la guerre à conserver ses trésors, il le doit principalement à l'émir Maurice Chéhab. Une salle, située au rez-de chaussée et fermée depuis 1975, sera dédiée à ce grand homme. Elle contient essentiellement dix magnifiques mosaïques provenant de Byblos, de Beyrouth et de Tyr. Ces chefs-d'œuvre déploient des scènes picturales, notamment les amours d'Éros et de Psyché, les aventures de Jupiter, un portrait de Dionysos ou encore Silène de Byblos, absolument ivre, étalé sur une panthère, tenant d'une main un canthare et de l'autre son tir. Toutes sont de l'époque romaine (IIe, IIIe, IVe siècle), à l'exception de celle du Bon Pasteur qui date du Ve siècle. Découverte à Jnah, dans la banlieue sud de Beyrouth, elle représente une allégorie du Christ au paradis. Amochée par un franc-tireur durant la guerre, elle a été nettoyée, mais gardera pour mémoire la cicatrice (un gros trou) de ces années de combat.
Ces dix pièces - restaurées par Isabelle Skaf et son équipe - ne sont pas toutefois prêtes à s'offrir aux regards des visiteurs. Pesant chacune plus de 500 kilos, elles attendent d'être adhérées à un support, c'est-à-dire à un cadrage spécial, pour être accrochées aux murs. Or cette opération, indique la conservatrice du musée Anne-Marie Afeiche, nécessite un budget que le ministère des Finances n'a pas encore débloqué malgré l'insistance du ministre de la Culture Salim Wardy. Il reste aussi, ajoute-t-elle, la remise en état des lieux (peinture, réfection de la pierre et nettoyage des plinthes) pour que la salle puisse à nouveau faire partie intégrante du hall du musée.

Trente sarcophages anthropoïdes dorment au sous-sol
D'autre part, la restauration des fresques de la tombe de Tyr - altérées par les remontées d'eau et l'humidité du sous-sol où elles ont été conservées durant la période de la guerre - est terminée. Cette tombe, aux parois entièrement peintes et datant du IIe siècle après J.-C., a été découverte lors des fouilles menées par Dunand dans la région des nécropoles romaines, à Bourj Chemali, en 1937. Creusée dans le rocher, on pouvait lui accéder par un escalier de 26 marches. En 1939, ses quatre murs ornés de peintures ont été décollés, transportés au musée national puis remontés sur une structure de ferraille et de gypse.
Anne-Marie Afeiche signale que le projet de restauration de la tombe remonte à plus d'une décennie. Lors des travaux de réhabilitation du musée, les responsables de la Direction générale des antiquités (DGA) avaient fait appel à un spécialiste de l'Icrom, Georgio Caprioti, pour évaluer les dégâts et le coût de l'opération. Ensuite, Fréderic Husseini, alors directeur général des antiquités, a relancé le processus grâce à l'aide financière du bureau de la Coopération italienne qui a débloqué une enveloppe de 194 000 euros, permettant ainsi à une équipe italo-libanaise d'œuvrer à la restauration, au nettoyage et à la consolidation des fresques. Ayant opté pour « une politique de conservation très peu agressive », les spécialistes se sont abstenus de faire des rajouts et de dissimuler les lacunes, indique la conservatrice du musée national. « Ils ont utilisé la technique du strategio qui laisse voir ce qui a été retouché ». Là où il y a eu restauration, on le voit. C'est voulu », ajoute-telle, avant d'annoncer que la tombe de Tyr sera inaugurée prochainement par le ministre Wardy.
Le résultat est éclatant : au-dessus et tout autour des 14 loculis dans lesquels étaient placés les sarcophages, les scènes, reflétant une belle qualité picturale, déroulent les thèmes de la mythologie grecque. Tout d'abord, deux sirènes musiciennes (corps d'oiseau et queue de paon), l'une tenant une double flûte et l'autre une lyre, accueillent les défunts pour les transporter vers l'au-delà. Le mythe de Tantale défile ensuite, suivi du rapt de Proserpine et d'une représentation d'Héraclès domptant le cerbère, gardien des enfers qui symbolise le passage entre le monde terrestre et le monde souterrain ; on peut voir aussi Heraclès ramenant Alceste du domaine des morts à la vie. Une peinture met également en scène Achille recevant Priam qui le supplie de lui rendre le corps de son fils Hector (représenté sur une balance)... Au nombre des motifs, des guirlandes de feuilles portant des grenades (signes de renaissance) et peuplées de génies ailés (Phosphoros « porteur de lumière » ) supposés emporter les âmes des défunts ...
La partie inférieure des parois offre, quant à elle, une peinture en trompe-l'œil « typique du style de Pompéï » : partout des colonnes, des demi-colonnes (placées à l'angle), des espèces de rideaux rouges ou verts ; des portes à double battant dont une entrouverte donne l'envie d'aller voir ce qui se cache derrière. L'inscription « Courage, nul n'est immortel », gravée au-dessus d'un des loculis, a été reproduite en graffiti au IIIe siècle, lors de la réoccupation de la tombe. C'est d'ailleurs lors de cette nouvelle occupation que deux piliers portant un arc ont été dressés pour soutenir le plafond qui menaçait de s'effondrer, explique Anne-Marie Afeiche, soulignant que cet arc, dont un bout a été mis au jour, avait abîmé la tête de Phosphoros. Signalons que la muséologie de cet espace funéraire a été réalisée par le spécialiste italien Antonio Gianmarosti, en collaboration avec l'architecte libanaise Léa Coptane.
Le sous-sol étant l'espace dédié à l'archéologie funéraire, c'est là aussi que reposent les sarcophages anthropoïdes. Avant la guerre, ils étaient au nombre de 26. Aujourd'hui, le musée en expose 30, dont L'Homme à la fleur de lotus, découvert récemment. Ils sont tous en marbre de Samos. Ils proviennent tous de la nécropole de la région de Saïda et appartiennent aux IVe et Ve siècles avant J.-C. Ils déclinent « un art inspiré des boîtes à momie égyptiennes, mais les visages sont déjà très grecs, avant même l'arrivée d'Alexandre et de l'hellénisme. C'est donc un art particulièrement phénicien », observe Afeiche, ajoutant que le musée national possède la plus grande collection de sarcophages anthropoïdes au monde.
De la période romaine, on passe à la période des Mamelouks : les objets (et peut-être les momies des sept femmes et enfants) découverts lors de l'exploration de la grotte de Hadeth el-Jebbé (Qadisha) seront exposés. Un espace est également consacré aux jarres chalcolithiques de Byblos (IVe millénaire), à la reconstitution d'une tombe de tell Arqa (âge du bronze moyen) et à celle de l'âge du fer (cimetière phénicien de Tyr). L'architecte Samir Saddi a signé l'étude de l'aménagement muséographique du sous-sol. Mais le musée ne dispose d'aucun budget pour lancer les travaux !

Les musées se profilent à l'horizon
Outre les musées de Byblos, de Baalbeck et de Beiteddine, d'autres établissements, où seront rassemblées et classées des collections d'objets présentant un intérêt historique, sont prévus à Saïda, Tripoli , Tyr et Beyrouth, a indiqué Anne-Marie Afeiche. Tout d'abord, le musée de Saïda, soutenu par le Fonds koweïtien. Il se posera sur le site de l'ancienne école américaine, où les fouilles menées depuis 1998 par Claude Doumit Serhal et le British Museum ont dévoilé un haut lieu de rites funéraires et des vestiges « exceptionnels » des Ier, IIe et IIIe millénaires avant J.-C. ainsi que des époques romaines et abbassides. La première pierre a été posée au printemps 2009, et le bureau de Khatib et Alami a été chargé de dessiner les plans. Les objets qui seront exposés ont été déjà sélectionnés.
Par ailleurs, dans le cadre du projet « Cultural Heritage and Urban Development (CHUD), un musée, qui sera financé par le bureau de la Coopération italienne, est prévu sur le site de Tyr. Aussi, afin de développer les thèmes principaux du nouveau musée et par conséquent de permettre un choix judicieux des objets à exposer, le ministère de la Culture, la DGA, l'Unesco, l'IFPO, l'Agence française de développement et le CDR organisent en octobre prochain un séminaire qui réunira tous les chercheurs et les archéologues qui se sont penchés sur les lieux. Les invitations sont déjà lancées.
Dans la capitale du Nord, les travaux avancent. Dans le cadre du projet CHUD, la réhabilitation de Tripoli comprend aussi la mise en valeur de la citadelle croisée qui surplombe la ville (éclairage de la pierre, installation de panneaux signalétiques, aménagement d'un jardin autour du site, etc.), mais aussi l'aménagement intérieur des salles du château en un musée qui regroupera les objets relatant l'histoire de Tripoli et de la région, depuis la Préhistoire jusqu'à l'époque ottomane. Des sites phares vont être choisis, notamment Tell Arqa. Le chantier, sponsorisé par l'Agence française de développement, est dirigé par l'architecte Jean Yasmine et l'archéologue Yasmine Maakaroun.
Last but not least, le musée archéologique de la ville de Beyrouth va être enfin créé. Les Libanais pourront enfin découvrir une (petite) partie des tonnes de vestiges mis au jour lors des fouilles du centre-ville. Un terrain appartenant à la DGA et contigu au Tell et à l'immeuble an-Nahar est consacré à ce musée, dont l'architecture sera confiée à un spécialiste de renommée internationale. « Sa réalisation, explique Anne-Marie Afeiche, demande beaucoup de réflexion et par conséquent du temps parce qu'il faut ramasser toute la documentation pour comprendre l'évolution de la ville de Beyrouth au fil des siècles, avant d'arriver à un concept muséal. » Le financement du musée archéologique de la ville de Beyrouth a été avancé par le Fonds koweïtien.