SAINT FRUMENTIUS DE TYR, Apôtre de l’Ethiopie, évêque du IVe siècle
MAR FROMINSIOS appelé ABBA SALAMA («Père de la paix») (+380)
La conversion du roi Ezanas ou comment deux enfants chrétiens de Tyr, Phénicie (actuel Liban),
semèrent l’évangile sur la terre d’Ethiopie
Tout semble calme dans le port d’Adoulis. Un navire vient de jeter l’ancre. A son bord, le philosophe Méropius de Tyr revient d’un voyage d’exploration en Inde, accompagné de ses deux élèves, Frumentius et Edésisus, deux jeunes enfants de sa parenté. Méropius est soulagé de faire escale sur la côte éthiopienne avant de reprendre son périple. Il pourra certainement ravitailler en eau et en nourriture son équipage, épuisé par de longues semaines de navigation. Méropius et ses compagnons s’apprêtent à mettre pied à terre pour demander aux sujets du roi d’Axoum les vivres nécessaires à leur voyage. Mais tout à coup, les passagers sont pris de panique ; les Barbares, loin de les accueillir, se précipitent sur eux, les armes à la main, et les massacrent. Le navire est pillé, l’équipage exterminé. Un silence terrible plane sur le pont du bateau fantôme jonché de cadavres. C’est alors que deux jeunes garçons, tremblants de peur, sortent de leur cachette et courent se réfugier à terre.
Frumentius et Edésius restent de longues heures cachés sous un arbre. Quand la nuit commence à tomber, pour briser le silence qui les entoure, ils récitent les dernières leçons qu’ils ont apprises. Et c’est ainsi que les Barbares les trouvent. Ils les conduisent à la cour du roi d’Axoum dans l’intention de les vendre comme esclaves. Le souverain comprend que les connaissances des deux jeunes romains peuvent lui être utiles. Frumentius, le plus âgé, est sage et perspicace. Il lit et écrit le grec, la langue officielle de l’Empire romain qui est aussi la langue écrite employée à Axoum. Frumentius devient alors secrétaire du roi, tenant les comptes et les archives du royaume, tandis que son jeune frère Edésius est nommé échanson du roi. Leurs compétences sont vites appréciées par la famille royale et les deux jeunes prisonniers sont bien traités.
Mais la mort du souverain vient assombrir le ciel abyssin. Avant de mourir, le roi d’Axoum a désigné son épouse comme régente du royaume, en attendant que son tout jeune fils, Ezanas, soit en âge de régner. Il a aussi rendu la liberté à ses deux fidèles serviteurs, Frumentius et Edésius. Les deux frères peuvent désormais rentrer dans l’empire. Pourtant, ils ne partent pas. La reine, en effet, connaissant leur fidélité et leurs qualités, les supplie de l’aider à gouverner son royaume et à protéger son fils. Elle les charge de l’éducation et de la formation du futur roi, Ezanas, et de son frère Sazanas.
Frumentius et Edésius s’acquittent de leur tâche avec loyauté et conscience. Les deux jeunes romains sont chrétiens : ils ont reçu oralement la tradition chrétienne à Tyr, région de tradition chrétienne grecque et syriaque, avant de partir en voyage avec leur oncle. Tout naturellement, ils racontent à leurs élèves royaux la vie du Christ et celle des apôtres. Ezanas, futur souverain axoumite, apprend ainsi la vérité sur le Dieu unique, le Dieu créateur, sur les mystères du Christ et de sa résurrection, sur l’action de l’Esprit Saint qui parle au cœur de tout homme. Il apprend à vivre chrétiennement et à prier. Pendant ce temps, Frumentius, qui partage le pouvoir avec la reine, peut mettre en place une politique religieuse favorable aux chrétiens. Il se renseigne sur la situation des chrétiens dans le pays dont il assure les gouvernements. Constatant les liens commerciaux entre l’Abyssinie et le monde romain, il octroie des facilités aux marchands chrétiens dans leurs activités économiques et les autorise à établir des lieux de culte, en leur donnant des terrains pour la construction d’églises. De petites communautés chrétiennes s’organisent alors dans les villes du royaume d’Axoum. Les premières conversions permettent l’expansion rapide de la nouvelle religion. Grâce à la protection de Frumentius, la liberté de pratiquer la religion chrétienne - la religion de l’empire, une religion d’étrangers ! - est accordée. Le christianisme s’introduit pour la première fois en Ethiopie.
Le futur roi est bientôt en âge de prendre lui-même en charge le royaume. La tâche de Frumentius et d’Edésius est achevée, ils peuvent regagner l’Empire romain. Edésius rentre à Tyr, retrouve ses parents et est ordonné prêtre ; plus tard, il rencontre Rufin d’Aquilée. C’est lui qui rapportera les épisodes de la première christianisation d’Axoum dans son Histoire ecclésiastique. Frumentius, lui, gagne Alexandrie en Egypte. Il raconte toute son histoire à l’évêque Athanase et lui demande d’envoyer à Axoum un homme digne d’être évêque pour conduire ce nouveau peuple chrétien. Athanase considère que seul Frumentius est susceptible de remplir cette mission, le sacre aussitôt évêque et l’envoie diriger l’Eglise d’Abyssinie, entre 340 et 356. Commence alors la seconde œuvre missionnaire de Frumentius dans le royaume d’Axoum, nouvelle terre chrétienne.
Les monnaies du royaume sont frappées de la croix du Christ. Le christianisme se développe à Axoum, dans une fidélité parfaite à la foi nicéenne. A tel point que l’empereur romain Constance II, disciple de l’arianisme, tente de faire renvoyer Frumentius pour le remplacer par un évêque arien en écrivant personnellement à Ezanas ! Comment cette missive a-t-elle été reçue ? Les chroniques sont muettes sur ce point. Mais une chose est certaine : avec Frumentius, une nouvelle Eglise est née sur les bords de la mer Rouge, et dans les siècles qui suivirent, une nouvelle nation chrétienne se développa en Ethiopie. La conversion d’Ezanas en fut le germe, et même si le royaume ne s’est converti officiellement au christianisme qu’au Ve siècle, la flamme de la foi était dès lors présente. Elle fut portée par deux enfants chrétiens de Tyr qui, dans des circonstances extraordinaires, ont converti un roi et jeté la semence du christianisme en terre éthiopienne. Les siècles suivants ont montré combien la moisson fut abondante.
La fête de saint Frumentius, le célèbre évêque d'Axoum, fondateur de l'Eglise d'Ethiopie, né à Tyr vers 315, mort à Axoum vers 380, connu sous le nom d'Abba Salama («Père de la paix»), est célébrée le 27 octobre par les Latins, le 30 novembre par les Grecs et le 18 décembre par les Coptes.