Translate
mercredi 29 février 2012
Papes - origine libano syrienne
Pere Emile Edde 1995
sources: www.opuslibani.org
http://www.angelfire.com/nm/lebanonl/lespapesdoriginelibanaise.html
Des empereurs d'origine libanaise ont gouverné l'immense état romain dans sa gloire. Aussi les historiens nous rapportent que d'éminents hommes religieux d'origine libano–phénicienne ont occupé les plus hauts rangs dans l'Eglise Catholique et assumé la plus haute responsabilité ecclésiale: celle du Saint-Siège. Du Vatican, ils ont gouverné l'Eglise Universelle. L'histoire cite Saint Anicète, premier pape originaire du Moyen-Orient. Il vécut au (IIe) deuxième siècle. Cinq autres aux septième et huitième siècle.
1 – Le Pape Saint Anicète (155 – 166):
Après la mort de Saint Pie I, l'an 155, les responsables dans la capitale de l'Eglise Catholique se réunissent et, après consultation du clergé et du peuple, ils nomment (ou élisent) pour successeur, l'évêque Anicète d'origine libano-phénicienne.
Il est connu à Rome où il a passé la plus grande partie de sa vie. Ce pontife est connu sous le nom d'Anicète ler. Il se distingue par la piété, la mortification, l'humilité et l'amour de la vie simple et pauvre. Il est le premier à publier un décret interdisant au clergé le soin excessif de la coiffure ainsi que les habits somptueux permis uniquement dans les cérémonies de culte. Au cours de son pontificat, Saint Polycarpe évêque de Smyrne se rend à Rome pour un colloque avec le Saint-Père au sujet de certaines questions en litige dans les Communautés Chrétiennes.
Entre autres, il fallait fixer une date commune dans l'Eglise occidentale et l'Eglise orientale pour la fête de Pâques. Mais les négociations n'ont pas abouti. Après quelques années, le pape Victor ler tente vainement de résoudre ce problème. Ainsi depuis le IIème siècle, l'Eglise célèbre deux fois la fête de Pâques (le plus souvent). Il est temps de renoncer à des calculs lunaires démunis de toute clarté et de fixer ensemble une date commune pour célébrer Pâques. L'histoire rapporte qu'Anicète ler décida que l'on fête Pâques un dimanche, selon la tradition de Saint-Pierre. Le pape Saint Anicète ler est mort martyr, l'an 166, sous le règne de l'empereur romain Marcos Aurilius. Sa dépouille mortelle est transférée à plusieurs reprises d'une Eglise à l'autre jusqu'en 1617 où elle est déposée définitivement à Rome dans un sacrophage en marbre doré qui avait servi pour la dépouille de l'empereur Alexandre Sévère. On fête la Saint-Anicète, le 17 Avril.
2 – Jean V(6S5 – 686):
Né à Antioche, l'an 630 (environ). Il passe la plus grande période de sa vie à Rome. L'an 680, il est delegue par le pape Agathon au sixième concile de Constantinople convoque par l'empereur Constantin IV. Il y remplit un rôle remarquable qui le rend illustre, en Orient comme en Occident, en tant que penseur et théologien. Cinq ans plus tard, le 23 juillet 685, il succède au pape Benoît II. Il réorganise le diocèse de Sardaigne qu'il adhère à l'administration de l'Eglise Centrale à Rome. Au cours de son pontificat qui ne dura qu'un an, est mort le roi Constantin auquel succède son fils Justinien II, le grand ennemi des Maradat et de Saint Jean-Maroun. Le pape Jean V est décédé le ler août 686.
3 – Saint Serge ler (687-701):
Après le décès de Jean V (686), c'est le pape Saint Serge ler qui lui succède. Originaire d'une famille phénicienne immigrée en Europe, Saint Serge ler est né à Palerme (Sicile). Il est réputé à Rome où il termine ses études et s'engage dans l'enseignement supérieur. Il est élu en une période agitée au sein de l'Eglise: deux antipapes ambitionnent le titre de souverain pontife. Le premier, Théodore qui finit par se soumettre. Le second, Pascal qui se montre opiniâtre et rebelle. Il est emprisonné dans un couvent où il meurt cinq ans plus tard, sans se réconcilier avec l'Eglise.
A la fin de la seconde moitié du VIIe siècle, le pouvoir temporel du pape connaît une grande influence aux dépens du pouvoir de l'empereur byzantin. C'est le pape Serge ler qui réussit à établir le pouvoir temporel du Saint-Siège. N.B.: Avec Etienne II (752-757), commence le pouvoir temporel de l'Eglise. D'après Charles DIEHL: "de tout l'Orient byzantin, des villes italiennes, des îles méditerranéennes, de l'Afrique même, tous les peuples avaient recours à l'évêque de Rome, cherchant la protection... auprès des représentants de l'Empereur... et auprès des représentants du pape. Leur choix est fait à l'avance... car au Vlle siècle, Rome ne connaît qu'un seigneur au pouvoir absolu: c'est le Pape". Une telle situation contrarie l'empereur Justinien II qui convoque un concile (691-692) dans son palais à Constantinople. Au nombre de 608, des évêques orientaux y adhèrent – (ni le pape, ni les évêques occidentaux ne sont convoqués). Tandis que les participants considèrent ce concile comme complémentaire au sixième concile de "Concile intrus". Le pape Serge ler n'hésite pas à s'opposer aux décisions du "Concile intrus" de Constantinople. Plutôt mourir qu'admettre de telles résolutions! Irrité et blessé dans son amour-propre et son orgueil, l'empereur ordonne à Zakarie Exarque Ravenne de se rendre à Rome, de saisir le pape et de l'emmener prisonnier à Constantinople. A peine la nouvelle s'est-elle répandue que le peuple romain se soulève ainsi que l'armée nationale. Même la section menée par Zakarie se détache de lui et se joint aux défenseurs du pape. Epouvanté et consterné, Zakarie cherche secours auprès du pape de qui il implore le pardon. Le pape l'accueille dans sa chambre privée pour le protéger, puis, il lui facilite le chemin du retour à Constantinople pour y arriver sain et sauf. Justinien II est haï du peuple pour sa dureté et sa méchanceté. Une révolution le détrône et l'exile en 695. Quant au pape Serge ler, il traite avec l'empereur de questions doctrinales en litige. D'origine phénicienne, il comprend très bien la situation des Eglises Orientales. Probablement, le patriarche Youhanna Maroun, ler patriarche maronite est élu grâce au représentant du pape Serge 1er en Jordanie. Une telle attitude du pape Serge ler inspire à l'un de ses successeurs le pape Benoît XIV la réflexion suivante: "A la fin du Vlle siècle, alors que l'hérésie désole le patriarcat d'Antioche, les maronites, en vue d'éviter cette contagion décident de choisir un patriarche dont l'élection est certifiée par les souverains pontifes". Serge ler, ce pape libano – phénicien, se distingue, – à l'instar d'autres orientaux - par son culte de la Vierge Marie. Il institue de grandes cérémonies à l'occasion de ses fêtes: l'Annonciation, la nativité de la Vierge, l'assomption (bien que ce dogme ne soit pas encore un dogme de foi). Après une vie remarquable par les vertus et les bonnes oeuvres, le pape Saint Serge ler retourne à la maison du Père, le 7 septembre 701. Il est canonisé. On le fête le 9 ou le 8 septembre.
* 4 – Le pape Sisinius(708):
Né à Tyr. Elu le 15 janvier 708. Décédé le 4 février 708. Après le pape Jean VII mort le 17 octobre 707, est élu, – environ trois mois plus tard –, le pape Sissinius (de Tyr, Liban), le 15 janvier 708. Agé et malade, son pontificat de brève durée ne comporte aucune oeuvre importante. Il s'occupe de la restauration des murs de Rome continuellement attaqués et menacés par les Lombards et les Sarrasins. Mais la mort l'emporte avant de terminer son projet.
* 5 – Le pape Constantin ler(708 – 715):
Né à Tyr, Elu en Mars 708, il continue l'oeuvre de son prédécesseur. Il s'occupe notamment de questions religieuses théologiques. Il condamne la doctrine monophysiste qui ne reconnaît qu'une nature au Christ. (Monophysisme). D'où la contestation avec les représentants de l'Eglise Catholique. Les historiens rapportent que Justinien II ennemi des maronites est revenu à Constantinople, dix ans plus tard, et gouverna plus tyranniquement encore. Il insiste auprès du pape Constantin ler de se rendre à Constantinople pour des concertations au sujet des décisions prises au dernier Concile de Constantinople que le pape Serge ler avait refusées.
Après une période d'hésitation, le pape quitte Rome pour Constantinople, le 5 octobre 710. Il est bien accueilli dans toutes les villes, notamment dans la capitale où son entrée est triomphale. Il réussit à convaincre Justinien II pour modifier certaines résolutions du Concile précité. Après un an d'absence, le pape, victorieux, regagne sa résidence au Saint-Siège. Mais après le retour du Saint-Père à Rome, l'empereur Justinien II tente de se rétracter. Le clergé et le peuple s'opposent à lui. De même, l'armée se soulève et l'assassine l'an 717. Quant au pape Constantin ler, il retourne à la Maison du Père le 9 avril 715. Il est inhumé à la Cathédrale Saint Pierre au Vatican.
6 – Le pape Saint Grégoire III (731 – 741):
Après la mort de Grégoire II, l'an 731, le peuple choisit pour successeur un évêque d'origine phénicienne: Grégoire III. Quant aux autorités religieuses romaines, elles se contentent d'appuyer la volonté du peuple. Le nouvel élu est surnommé "l'ami des pauvres et des misérables". Il est remarquable par sa vertu et sa culture. Il inaugure son pontificat en multipliant les relations avec les chefs spirituels et civils. Il envoie le pallium à l'évêque Saint Boniface et lui confie le soin de fonder de nouveaux diocèses en Allemagne. Mais ces diocèses ne se rattachent au Saint-Siège qu'au début de l'an 1000.
Grégoire III préside un Concile au Vatican. 193 évêques y participent. Ils condamnent l'attitude de l'empereur à l'égard des icônes et des images qu'il ordonne de détruire. L'une des plus importantes résolutions du Concile consiste à excommunier ceux qui défigurent l'icône du Christ, de la Vierge Marie, des Apôtres et des Saints. Tandis que le délégué du pape se dirige vers Constantinople en vue de confier à l'empereur le décret pontifical, il est arrêté par l'armée byzantine et mis en prison. D'autres délégués subissent le même sort. L'attitude négative de l'empereur à l'égard des icônes entraîne l'immigration à Rome, des artistes. C'est ainsi que l'art byzantin oriental s'est répandu en Occident, notamment à Rome où il fut encouragé par le Souverain Pontife et par les autorités ecclésiales, en général. C'est alors que l'empereur Léon III tente la miniaturisation de l'autorité du Saint-Siège et la mainmise sur les propriétés de l'Eglise dans les villes de Sicile, Calbéria et autres. Dans ce but, il envoie une flotte en Italie pour combattre les villes non soumises à ses ordres. Il étend les droits du patriarche de Constantinople sur toutes les régions (districts) de l'Italie du Sud et ne laisse au pape que la région du Nord que les Lombards ne cessent d'assaillir. Alors, le pape invoque le secours de Charles Martel, roi des Francs, pour repousser les Lombards, il met sous la protection des Francs toutes ses propriétés et leur demande de reconquérir l'Italie. Après avoir remporté la victoire contre les Lombards (Arabes) à Poitiers, le roi de France écrit au pape Grégoire III lui annonçant l'heureuse nouvelle. Depuis, la plupart des rois de l'Occident respectent cette nouvelle force de France. C'est de là que vient à Charles Martel le titre de "Très Chrétien" accordé par le pape et auquel ont droit tous ses successeurs. Au cours de son pontificat, le roi des Saxons se rend en pèlerinage à Rome. A son retour dans son pays, il ordonne une contribution annuelle, offrande charitable, appelée "obole de Saint-Pierre". Elle demeure jusqu'à nos jours. Elle est offerte au Saint-Siège pour les bonnes oeuvres. Le pape Grégoire III est mort le 27 novembre 741. Sa fête le 28 novembre.
par le Pere emile Edde - 1995
J.T.Khoreich
lundi 20 février 2012
Redevenir libanais, adresse aux emigres
mardi 14 février 2012
Icone of SanMaron in Finland
http://www.maroniteinstitute.org/St_Maron_Icons_Finland_MARI.pdf
vendredi 10 février 2012
EUROPE.http://mythologica.fr/grec/europe.htm
http://mythologica.fr/grec/europe.htm
Fille de Téléphassa et d'Agénor, roi de Phénicie, Europe fut aimée de Zeus qui lui donna trois fils Minos, Rhadamanthe, et Sarpédon
LEGENDES
Enlèvement d'Europe d'après Véronèse © Palais des Doges
La jeune princesse fit un jour un rêve étonnant où deux continents personnifiés tentaient de la séduire. Le matin venu, pour chasser ce rêve étrange, elle alla avec ses suivantes cueillir des fleurs dans une prairie voisine.
C'est là que Zeus aperçut la jeune fille jouant avec ses compagnes et il en tomba immédiatement amoureux. Il jugea plus prudent de se changer en taureau pour échapper à la surveillance de sa femme Héra et pour mieux approcher les jeunes filles sans les effaroucher. Il prit la forme d'un beau taureau blanc au front orné d'un disque d'argent et surmonté de cornes en croissant de lune. Il se mêla paisiblement aux jeux des jeunes filles; il se laissa même caresser par Europe qui tomba sous son charme et s'assit sur son dos.
Mais dès qu'elle fut sur son dos, il se précipita vers le rivage proche. Accompagné par toute une cohorte de divinités marines, de Néréides chevauchant des dauphins et de Tritons soufflant dans des conques, il l'amena en Crête.
Enlèvement d'Europe d'après Guido Reni
© Musée des Beaux-Arts du Canada
Là sous un platane toujours vert (mais d'autres auteurs penchent pour la grotte du mont Dicté où Zeus fut caché pendant sa prime enfance pour échapper à Cronos) ils s'unirent.
Minos, Sarpédon et Rhadamanthe furent les fruits de cette union.
Zeus lui fit trois présents :
• Une lance qui ne manquait jamais sa cible;
• Un chien, Laelaps, qui ne laissait jamais échapper sa proie;
• Un homme de bronze, Talos, dont la seule veine qui irriguait son corps de métal, était obturée par une cheville de métal.
Il faisait chaque jour le tour de la crête et tuait tous les étrangers qui tentaient de débarquer.
Pendant ce temps, son père, Agénor, cherchait partout sa fille. Il décida d'envoyer ses trois enfants Cadmos, Phénix et Cilix ainsi que sa femme à sa recherche. Il leur donna l'ordre de ne pas revenir sans Europe et il ne les revit jamais.
Europe donna son nom au continent européen et la constellation du taureau rappelle cette transformation divine.
Quand Zeus l'abandonna, Europe fut épousée par le roi de Crète, Astérios, qui reconnut ses enfants et fit de Minos son successeur. Europe donna à son mari une fille, Crété.
Crété serait devenue l'épouse de Minos ou selon d'autres auteurs une amante d'Hélios et la mère de Pasiphaé
Le mythe de la princesse Europe est aujourd'hui illustré sur la pièce de 2 € grecque, par la représentation d'un taureau portant une jeune femme sur son dos.
_____________________________
2-Europe:
http://www.strasbourg-europe.eu/la-princesse-europe,14756,fr.html
Le nom d' "Europe" tire son origine d'un personnage de la mythologie grecque. Fille d'Agénor, roi de Phénicie, la princesse Europe vivait à Tyr, sur le bord asiatique de la Méditerranée (aujourd'hui le Liban).
Se passionnant pour les voyages en mer, la jeune princesse rêvait des terres lointaines. Elle avait ainsi pour habitude de se promener, presque chaque jour, au bord de la mer, en regardant vers l'horizon infini.
Zeus, le Dieu des Dieux qui vivait au sommet de l'Olympe, caché par une couche de nuages, avait remarqué depuis quelques temps déjà, la grande beauté de la princesse et son goût pour les aventures et les découvertes. Il tomba amoureux d'elle et décida de l'emmener loin de chez elle, sur de nouvelles terres.
Dans la nuit qui suivit, la princesse fit un rêve étrange : deux terres, ayant l'aspect de femmes, se disputaient la jeune princesse. L'une, la "terre d'Asie", voulait la garder; l'autre, la "terre de la rive opposée", voulait l'emmener en mer sur ordre du roi des Dieux, Zeus.
Se réveillant, la princesse alla au bord de la mer. Subitement, un taureau, puissant mais docile émergea de la mer et persuada la belle princesse de monter sur son dos. Puis il s'envola et emmena la jeune princesse sur l'île de Crète, en Grèce. Là, il prit une forme humaine : ce n'était autre que Zeus (transformé en taureau). Europe tomba, elle aussi, amoureuse de lui. De leur amour naîtront trois enfants et grâce à la princesse, le continent gagna un nom :
Europe.-http://www.strasbourg-europe.eu/la-princesse-europe,14756,fr.html
________________________________
Chateau de Saida - Sajette:
http://www.templiers.net/orient-latin/index.php?page=Rey-Chateau-de-Sajette
Durant la dernière période des croisades, plusieurs châteaux furent élevés dans des positions qui leur permettaient de commander des mouillages et de fournir des points de débarquement assurés aux secours qu'on attendait d'Europe. Leur assiette fut généralement choisie, soit sur des îlots voisins du rivage, soit sur des promontoires qu'une coupure remplie par la mer isolait facilement de la terre ferme; de telle sorte que ces forteresses, n'ayant rien à craindre de la mine et peu de l'escalade, étaient, pour ce temps, presque inexpugnables. En outre, il était toujours possible de secourir ou de ravitailler par mer la garnison de ces châteaux.
Pendant toute la durée de l'existence des colonies chrétiennes en Syrie, nous trouvons l'ancienne Sidon désignée sous le nom de Sajette. Malheureusement il reste bien peu de chose des édifices élevés par les Francs durant les deux siècles qu'ils tinrent cette ville en leur pouvoir.
La partie des fortifications de Saïda, nommée le Kakat-el-Bahar, ou château de la Mer, est le seul ouvrage que nous puissions considérer avec certitude comme un monument contemporain de la Sajette des croisades ; encore ce château ne date-t-il que du commencement du XIIIe siècle. Il fut construit dans le cours de l'hiver de 1227 à 1228, sur un rocher isolé dans la mer, que l'on munit d'un revêtement de maçonnerie. Une muraille reliant deux tours en constituait le principal ouvrage.
Un grand nombre de croisés venus des divers pays de la chrétienté, et parmi lesquels on comptait beaucoup d'Anglais, se trouvaient alors à Acre.
A la nouvelle de l'arrivée en Terre Sainte de Frédéric II, ils résolurent de tenter de reprendre aux musulmans quelques points du littoral en attendant l'empereur d'Allemagne, et sortirent aussitôt d'Acre. Ils s'acheminèrent vers les ruines de Sidon. Là se trouvait formé de deux lignes de récifs, complétées par des tronçons de jetées, l'antique port phénicien, l'un des plus vastes et des mieux conservés de la côte; il présentait alors une assez grande profondeur d'eau pour offrir un refuge aux navires chrétiens (1). Il fallait donc promptement le mettre en état de défense. Mais il vaut mieux laisser parler les auteurs contemporains : « Ils (les croisés) vinrent à une ille devant le port en la mer, si connurent que la poeent il faire meilleur ovre et plus segure et en po de tems (2). Lors mirent main à laborer et firent deux tors, l'une grant et l'autre moienne, et un pan de mur entre les deux tors. Ils commencèrent à la Saint-Martin et finirent vers la mi-caresme. »
Nous empruntons au continuateur de Guillaume de Tyr les détails suivants, également relatifs aux mêmes faite : « Et firent la chaucié et au pied de la chaucié firent une porte et une tor bien deffensiable. »
Je vais commencer l'examen de ce qui subsiste de la forteresse par l'étude de cette chaussée. Le massif sur lequel s'élevaient la porte et la tour est encore bien conservé. Eloigné de 35 mètres du château, il s'y trouvait relié par un pont de quatre arches dont les trois piles restent debout. Elles sont munies de becs destinés, selon toute apparence, à briser les lames. (Plan XVI)
Le massif « a », placé en tête du pont dont je viens de parler, est à 42 mètres du rivage actuel. Les arches qui le rattachent sont complètement modernes. La mer a-t-elle de ce côté gagné sur la terre, ou bien, au temps de la construction du château, y avait-il une première partie du pont en charpente ? Telle est la question qui vient d'elle-même se poser ici; mais, bien que je penche vers cette dernière conjecture, il me paraîtrait téméraire d'y répondre d'une manière catégorique.
Si je m'étends trop longuement, peut-être, au gré du lecteur, sur l'étude de cette partie du château, c'est qu'elle est le seul spécimen de pont fortifié du moyen âge subsistant encore, à ma connaissance, en Syrie.
Une observation me semble encore devoir ici trouver sa place : elle est relative au peu de largeur du pont, remarque que nous faisons également dans tous les ouvrages analogues élevés en France par les hospitaliers pontifes (3) durant le XIIIe siècle. Le but de ce mode de construction était sans doute de rendre plus facile la défense du passage ou la rupture d'une arche pendant cette époque de guerres continuelles. J'ai pu cependant constater, par les arrachements de voûtes qui se voient encore, que le tablier du pont de Sajette présentait plus de largeur que la passerelle moderne.
Mais il est temps de nous occuper du château. L'îlot dans lequel il s'élève était revêtu sur tout son pourtour d'une escarpe en maçonnerie. Une porte, dont il ne reste plus rien, devait se trouver à l'extrémité du pont. Bien que sur plusieurs points ce mur ait été refait depuis les croisades, la plus grande partie peut être considérée comme remontant au XIIIe siècle. Un saillant arrondi « A », qui se voit sur la face nord, n'a pas été englobé dans les réparations faites par les Turcs, ce qui nous permet d'étudier le système employé dans cette construction pour augmenter l'adhérence des pierres : elles étaient d'assez grand appareil et reliées entre elles par des queues d'aronde probablement en bois, ce que le croquis ci-dessous fera mieux comprendre qu'une plus longue description; il indique aussi la manière dont les pierres des deux extrémités de ce saillant étaient adaptées à la muraille.
Château de Sajette Figure 41 - Sources : Fortifications d'Orient, M. Rey
Dans une construction maritime, ce mode de chaînage était préférable à des crampons de métal qui, s'oxydant à l'humidité et prenant, par suite de cette décomposition, un plus fort volume, auraient eu pour résultat de faire fendre les pierres des assises qu'ils étaient destinés à réunir.
En avant de cette face du château s'étend en « b » un vaste amas de pierres coulées, formant au nord du pont que je viens de décrire un épi destiné à briser les lames quand la mer était agitée.
Vers le sud-ouest, à l'intérieur du port et au pied de ce retranchement, en « G », le rocher a été taillé et a reçu un enrochement de béton, de manière à former un quai de 4 mètres de large, dallé en longues pierres, qui, pour la plupart, sont encore en place et reliées entre elles par des crampons de fer scellés avec du plomb. L'extrémité de ce quai vers la tour « C » a été fort endommagée, ce qui permet de reconnaître que les liens des assises de pierres établies de ce côté, sur le rocher, et que recouvrait jadis le dallage, étaient en bois comme ceux du saillant « A ».
Nous avons donc ici sous les yeux une portion de quai bâtie par les croisés et qui nous est parvenue à peu près intacte.
D'après son mode de construction, il est facile de voir que les Francs de Syrie prirent pour modèle les quais antiques, dont ils durent trouver de nombreux restes dans les villes maritimes de la Terre Sainte.
On reconnaît dans les tours « B » et « C » les ouvrages cités par les textes que j'ai transcrits, et la ligne de bâtiments « D », qui a remplacé la muraille, nous en indique le tracé, tel qu'on peut le suivre par le pointillé dans le plan. Les deux tours sont encore d'une assez grande élévation, bien que celle qui porte la lettre « B » du plan, et qui parait avoir servi de donjon, soit dérasée jusqu'à 8 ou 9 mètres du sol. (Plan XVI)
En « E » se voit l'entrée du réduit, placée sous le commandement de la tour « B » : elle consiste, comme les portes de la ville de Carcassonne, en un passage formant vestibule, muni d'une herse à chacune de ses extrémités. Dans la voûte paraît avoir existé un grand mâchicoulis carré, semblable à celui que nous trouvons au-dessus de la porte de la seconde enceinte du Kalaat-el-Hosn. La porte qui donne accès dans la cour intérieure était surmontée d'un écusson, malheureusement brisé par les soldats turcs peu de jours avant ma visite; il m'a donc été impossible, à mon grand regret, de savoir à quelles armes il était.
La tour « B » est barlongue; elle mesure 27 mètres de long sur 21 de large et est construite en pierres de grand appareil. De nombreux fûts de colonnes antiques sont engagés dans la maçonnerie. La partie inférieure de cet édifice est occupée par deux citernes carrées et établies au-dessus du niveau de la mer. L'entrée de cette tour devait être à une assez grande élévation; car le massif dans lequel avaient été ménagées les citernes a encore, comme je l'ai dit, 8 ou 9 mètres de haut et il formait seulement le soubassement des salles qui durent occuper la partie supérieure de cette défense. (Plan XVI)
En « F » se trouve la base d'un autre ouvrage renfermant également une citerne. Une ligne de constructions modernes s'élève sur l'emplacement de la muraille destinée à relier les deux tours. On en trouve cependant l'annonce à la tour « C », qui défendait le mouillage. Elle est assez bien conservée; mais, comme elle sert de poudrière, il m'a été impossible d'y pénétrer. A son sommet on voit quelques restes des corbeaux qui supportaient autrefois le crénelage et entre lesquels s'ouvraient les mâchicoulis. Plusieurs étaient encore intacts, il y a vingt-huit ans, mais ils furent brisés par les boulets anglais lors du bombardement de Saïda en 1840.
Joinville (4), dans ses mémoires, raconte en ces termes la tentative des Sarrasins sur Sajette en 1253, pendant que les Francs étaient occupés à réparer les murs de cette ville : « Quant monseigneur Symon de Montcéliart, qui estoit mestres des arbalestriers le roy et chevetain de la gent le roy à Saiete, oy dire que ceste gent venoient, se retrait ou chastel de Saiete, qui est moult fort et enclos est de la mer en touz senz, et ce fist il pour ce il veoit bien que il n'avoit pooir de résister) à eulz. Avec li recèta ce qu'il pot de gent, mais pou en y ot, car le chastel estoit trop estroit. Les Sarrasins se ferirent en la ville, là où ils ne trouvèrent nulle deffense, car elle n'estoit pas toute close. Plus de deux mille personnes occirent de nostre gent; à tout le gaing qu'ils firent là, s'en alerent à Damas. » Le château de Sajette fut évacué par les Francs en 1291, à la suite de la prise d'Acre, en même temps qu'Athlit et Tortose.
1. Ce ne fut qu'au XVIIe siècle que ce port fut en grande partie comblé par l'émir Fakar-ed-din, qui craignait alors de le voir devenir un point de station pour la flotte turque.
2. Guillaume de Tyr, livre I, tome XXXII, chapitre XXV.
3. Cette congrégation des hospitaliers pontifes ou pontifices (faiseurs de ponts) était originaire d'Italie, où elle s'était fondée sur les bords de l'Arno. Elle fut établie en France à Maupas, diocèse de Cavaillon, vers l'année 1164, et, d'après les Recherches historiques de l'abbé Grégoire, elle eut alors pour chef Petit-Benoît ou saint Benazet. Cette institution ne subsista guère qu'un siècle sur les bords du Rhône, où elle éleva le pont d'Avignon en 1177, puis celui de Saint-Esprit, commencé en 1265 et terminé en 1309. Ces religieux furent sécularisés en l'année 1519.
4. Histoire de Saint-Louis, par Jean, sire de Joinville. Edition in-folio. Paris, 1761. Imprimerie royale.
Sources : Rey (Emmanuel Guillaume), Etude sur les monuments de l'architecture militaire des croisés en Syrie et dans l'Ile de Chypre. Paris, Imprimerie Nationale M. DCCC. L
Château de Margat
Château le Krak des Chevaliers
Château Chastel-Blanc (Safita)
Château de Saône (Sahioun)
Château de Gibelet (Djebeil, Byblos)
Château de La Blanche-Garde
Château de Beaufort
Château Le Toron (Tibnin)
Château de Montfort (Kalaat-Kourien)
Château de Sajette
Château de Maraclée
La Défense des Ports
Défenses et Fortifications des villes';
christina life
mercredi 8 février 2012
La grotte Asi-l-Hadath : plongée dans les vestiges maronites du Moyen Âge.
La grotte Asi-l-Hadath : plongée dans les vestiges maronites du Moyen Âge.
lundi 6 février 2012
Table des matières de Guillaume de Tyr
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/guillaumedetyr/table.htm
Chateau de Saida - Sajette:
http://www.templiers.net/orient-latin/index.php?page=Rey-Chateau-de-Sajette
Durant la dernière période des croisades, plusieurs châteaux furent élevés dans des positions qui leur permettaient de commander des mouillages et de fournir des points de débarquement assurés aux secours qu'on attendait d'Europe. Leur assiette fut généralement choisie, soit sur des îlots voisins du rivage, soit sur des promontoires qu'une coupure remplie par la mer isolait facilement de la terre ferme; de telle sorte que ces forteresses, n'ayant rien à craindre de la mine et peu de l'escalade, étaient, pour ce temps, presque inexpugnables. En outre, il était toujours possible de secourir ou de ravitailler par mer la garnison de ces châteaux.
Pendant toute la durée de l'existence des colonies chrétiennes en Syrie, nous trouvons l'ancienne Sidon désignée sous le nom de Sajette. Malheureusement il reste bien peu de chose des édifices élevés par les Francs durant les deux siècles qu'ils tinrent cette ville en leur pouvoir.
La partie des fortifications de Saïda, nommée le Kakat-el-Bahar, ou château de la Mer, est le seul ouvrage que nous puissions considérer avec certitude comme un monument contemporain de la Sajette des croisades ; encore ce château ne date-t-il que du commencement du XIIIe siècle. Il fut construit dans le cours de l'hiver de 1227 à 1228, sur un rocher isolé dans la mer, que l'on munit d'un revêtement de maçonnerie. Une muraille reliant deux tours en constituait le principal ouvrage.
Un grand nombre de croisés venus des divers pays de la chrétienté, et parmi lesquels on comptait beaucoup d'Anglais, se trouvaient alors à Acre.
A la nouvelle de l'arrivée en Terre Sainte de Frédéric II, ils résolurent de tenter de reprendre aux musulmans quelques points du littoral en attendant l'empereur d'Allemagne, et sortirent aussitôt d'Acre. Ils s'acheminèrent vers les ruines de Sidon. Là se trouvait formé de deux lignes de récifs, complétées par des tronçons de jetées, l'antique port phénicien, l'un des plus vastes et des mieux conservés de la côte; il présentait alors une assez grande profondeur d'eau pour offrir un refuge aux navires chrétiens (1). Il fallait donc promptement le mettre en état de défense. Mais il vaut mieux laisser parler les auteurs contemporains : « Ils (les croisés) vinrent à une ille devant le port en la mer, si connurent que la poeent il faire meilleur ovre et plus segure et en po de tems (2). Lors mirent main à laborer et firent deux tors, l'une grant et l'autre moienne, et un pan de mur entre les deux tors. Ils commencèrent à la Saint-Martin et finirent vers la mi-caresme. »
Nous empruntons au continuateur de Guillaume de Tyr les détails suivants, également relatifs aux mêmes faite : « Et firent la chaucié et au pied de la chaucié firent une porte et une tor bien deffensiable. »
Je vais commencer l'examen de ce qui subsiste de la forteresse par l'étude de cette chaussée. Le massif sur lequel s'élevaient la porte et la tour est encore bien conservé. Eloigné de 35 mètres du château, il s'y trouvait relié par un pont de quatre arches dont les trois piles restent debout. Elles sont munies de becs destinés, selon toute apparence, à briser les lames. (Plan XVI)
Le massif « a », placé en tête du pont dont je viens de parler, est à 42 mètres du rivage actuel. Les arches qui le rattachent sont complètement modernes. La mer a-t-elle de ce côté gagné sur la terre, ou bien, au temps de la construction du château, y avait-il une première partie du pont en charpente ? Telle est la question qui vient d'elle-même se poser ici; mais, bien que je penche vers cette dernière conjecture, il me paraîtrait téméraire d'y répondre d'une manière catégorique.
Si je m'étends trop longuement, peut-être, au gré du lecteur, sur l'étude de cette partie du château, c'est qu'elle est le seul spécimen de pont fortifié du moyen âge subsistant encore, à ma connaissance, en Syrie.
Une observation me semble encore devoir ici trouver sa place : elle est relative au peu de largeur du pont, remarque que nous faisons également dans tous les ouvrages analogues élevés en France par les hospitaliers pontifes (3) durant le XIIIe siècle. Le but de ce mode de construction était sans doute de rendre plus facile la défense du passage ou la rupture d'une arche pendant cette époque de guerres continuelles. J'ai pu cependant constater, par les arrachements de voûtes qui se voient encore, que le tablier du pont de Sajette présentait plus de largeur que la passerelle moderne.
Mais il est temps de nous occuper du château. L'îlot dans lequel il s'élève était revêtu sur tout son pourtour d'une escarpe en maçonnerie. Une porte, dont il ne reste plus rien, devait se trouver à l'extrémité du pont. Bien que sur plusieurs points ce mur ait été refait depuis les croisades, la plus grande partie peut être considérée comme remontant au XIIIe siècle. Un saillant arrondi « A », qui se voit sur la face nord, n'a pas été englobé dans les réparations faites par les Turcs, ce qui nous permet d'étudier le système employé dans cette construction pour augmenter l'adhérence des pierres : elles étaient d'assez grand appareil et reliées entre elles par des queues d'aronde probablement en bois, ce que le croquis ci-dessous fera mieux comprendre qu'une plus longue description; il indique aussi la manière dont les pierres des deux extrémités de ce saillant étaient adaptées à la muraille.
Château de Sajette Figure 41 - Sources : Fortifications d'Orient, M. Rey
Dans une construction maritime, ce mode de chaînage était préférable à des crampons de métal qui, s'oxydant à l'humidité et prenant, par suite de cette décomposition, un plus fort volume, auraient eu pour résultat de faire fendre les pierres des assises qu'ils étaient destinés à réunir.
En avant de cette face du château s'étend en « b » un vaste amas de pierres coulées, formant au nord du pont que je viens de décrire un épi destiné à briser les lames quand la mer était agitée.
Vers le sud-ouest, à l'intérieur du port et au pied de ce retranchement, en « G », le rocher a été taillé et a reçu un enrochement de béton, de manière à former un quai de 4 mètres de large, dallé en longues pierres, qui, pour la plupart, sont encore en place et reliées entre elles par des crampons de fer scellés avec du plomb. L'extrémité de ce quai vers la tour « C » a été fort endommagée, ce qui permet de reconnaître que les liens des assises de pierres établies de ce côté, sur le rocher, et que recouvrait jadis le dallage, étaient en bois comme ceux du saillant « A ».
Nous avons donc ici sous les yeux une portion de quai bâtie par les croisés et qui nous est parvenue à peu près intacte.
D'après son mode de construction, il est facile de voir que les Francs de Syrie prirent pour modèle les quais antiques, dont ils durent trouver de nombreux restes dans les villes maritimes de la Terre Sainte.
On reconnaît dans les tours « B » et « C » les ouvrages cités par les textes que j'ai transcrits, et la ligne de bâtiments « D », qui a remplacé la muraille, nous en indique le tracé, tel qu'on peut le suivre par le pointillé dans le plan. Les deux tours sont encore d'une assez grande élévation, bien que celle qui porte la lettre « B » du plan, et qui parait avoir servi de donjon, soit dérasée jusqu'à 8 ou 9 mètres du sol. (Plan XVI)
En « E » se voit l'entrée du réduit, placée sous le commandement de la tour « B » : elle consiste, comme les portes de la ville de Carcassonne, en un passage formant vestibule, muni d'une herse à chacune de ses extrémités. Dans la voûte paraît avoir existé un grand mâchicoulis carré, semblable à celui que nous trouvons au-dessus de la porte de la seconde enceinte du Kalaat-el-Hosn. La porte qui donne accès dans la cour intérieure était surmontée d'un écusson, malheureusement brisé par les soldats turcs peu de jours avant ma visite; il m'a donc été impossible, à mon grand regret, de savoir à quelles armes il était.
La tour « B » est barlongue; elle mesure 27 mètres de long sur 21 de large et est construite en pierres de grand appareil. De nombreux fûts de colonnes antiques sont engagés dans la maçonnerie. La partie inférieure de cet édifice est occupée par deux citernes carrées et établies au-dessus du niveau de la mer. L'entrée de cette tour devait être à une assez grande élévation; car le massif dans lequel avaient été ménagées les citernes a encore, comme je l'ai dit, 8 ou 9 mètres de haut et il formait seulement le soubassement des salles qui durent occuper la partie supérieure de cette défense. (Plan XVI)
En « F » se trouve la base d'un autre ouvrage renfermant également une citerne. Une ligne de constructions modernes s'élève sur l'emplacement de la muraille destinée à relier les deux tours. On en trouve cependant l'annonce à la tour « C », qui défendait le mouillage. Elle est assez bien conservée; mais, comme elle sert de poudrière, il m'a été impossible d'y pénétrer. A son sommet on voit quelques restes des corbeaux qui supportaient autrefois le crénelage et entre lesquels s'ouvraient les mâchicoulis. Plusieurs étaient encore intacts, il y a vingt-huit ans, mais ils furent brisés par les boulets anglais lors du bombardement de Saïda en 1840.
Joinville (4), dans ses mémoires, raconte en ces termes la tentative des Sarrasins sur Sajette en 1253, pendant que les Francs étaient occupés à réparer les murs de cette ville : « Quant monseigneur Symon de Montcéliart, qui estoit mestres des arbalestriers le roy et chevetain de la gent le roy à Saiete, oy dire que ceste gent venoient, se retrait ou chastel de Saiete, qui est moult fort et enclos est de la mer en touz senz, et ce fist il pour ce il veoit bien que il n'avoit pooir de résister) à eulz. Avec li recèta ce qu'il pot de gent, mais pou en y ot, car le chastel estoit trop estroit. Les Sarrasins se ferirent en la ville, là où ils ne trouvèrent nulle deffense, car elle n'estoit pas toute close. Plus de deux mille personnes occirent de nostre gent; à tout le gaing qu'ils firent là, s'en alerent à Damas. » Le château de Sajette fut évacué par les Francs en 1291, à la suite de la prise d'Acre, en même temps qu'Athlit et Tortose.
1. Ce ne fut qu'au XVIIe siècle que ce port fut en grande partie comblé par l'émir Fakar-ed-din, qui craignait alors de le voir devenir un point de station pour la flotte turque.
2. Guillaume de Tyr, livre I, tome XXXII, chapitre XXV.
3. Cette congrégation des hospitaliers pontifes ou pontifices (faiseurs de ponts) était originaire d'Italie, où elle s'était fondée sur les bords de l'Arno. Elle fut établie en France à Maupas, diocèse de Cavaillon, vers l'année 1164, et, d'après les Recherches historiques de l'abbé Grégoire, elle eut alors pour chef Petit-Benoît ou saint Benazet. Cette institution ne subsista guère qu'un siècle sur les bords du Rhône, où elle éleva le pont d'Avignon en 1177, puis celui de Saint-Esprit, commencé en 1265 et terminé en 1309. Ces religieux furent sécularisés en l'année 1519.
4. Histoire de Saint-Louis, par Jean, sire de Joinville. Edition in-folio. Paris, 1761. Imprimerie royale.
Sources : Rey (Emmanuel Guillaume), Etude sur les monuments de l'architecture militaire des croisés en Syrie et dans l'Ile de Chypre. Paris, Imprimerie Nationale M. DCCC. LXXI.
Chateau de Tibnine - Toron
source:
http://www.templiers.net/orient-latin/index.php?page=Rey-Chateau-le-Toron
Ce château fut fondé par Hugues de Saint-Omer, prince de Tabarie, vers l'année 1104, au lieu dit l'ancien Tebnin, et c'est encore sous ce nom que les Arabes désignent le château élevé au XVIIe siècle sur les fondations de la vieille forteresse des sires du Toron.
L'assiette de cette place a été choisie au sommet d'une colline arrondie, d'où lui est venu son appellation du vieux mot français touron, ou toron, signifiant éminence ou colline isolée.
Ce sommet domine les hauteurs qui séparent la vallée du Nahar-el-Kasmieh de celle de l'Ouad-Aïoun.
La forme arrondie du plateau détermine celle de la forteresse, dont le plan paraît avoir été à peu près identique à celui du Krak de Mont-Réal, nommé aujourd'hui Schaubek et relevé par M, Mauss durant l'expédition scientifique de M. le duc de Luynes. Ce château est également de forme arrondie, avec des saillants carrés et des tours barlongues.
Au Toron il ne reste plus aujourd'hui que les substructions et quelques assises de gros blocs taillés à bossages encore en place sur presque tout le pourtour, ce qui a conservé la configuration extérieure de l'ancienne forteresse au château bâti par Daher-l'Omar, lorsqu'il se révolta, il y a deux cents ans, contre l'autorité de la Sublime Porte.
A en juger par ce qui se voit de l'édifice du moyen âge, il devait présenter à l'oeil un aspect assez semblable à celui des châteaux arabes d'Alep, de Hamah, de Schoumaimis, de Szalkhad, etc., étant comme eux élevé sur un tertre conique et flanqué de tours carrées.
En France nous trouvons peu d'exemples de forteresses de cette forme (1), si ce n'est, toutefois, en Guyenne, dans les châteaux de Podensac et de Blanquefort, élevés dans le cours du XIIIe siècle, et dans ceux de la Brède et de Savignac.
La position du Toron en faisait une place de guerre importante, dont la possession assurait aux Francs tout le pays compris entre Tyr et Safed.
,
Après Hugues de Saint-Omer (2), mort sans postérité, le Toron fui donné à une famille qui en prit le nom et a fourni un chapitre aux Lignages d'Outre-Mer.
Le château fut deux fois pris par les musulmans : d'abord en 1187 par Saladin, puis en 1219 par le sultan Malek-Mohadam, qui le fit détruire. Relevé en 1229, il devint l'objet d'une contestation entre les chevaliers Teutoniques et les héritiers de Philippe de Montfort, qui, par son mariage, avait acquis des droits sur cette seigneurie.
L'empereur Frédéric II (3) attribua Toron, que nous trouvons alors désigné dans les chartes contemporaines sous la dénomination de Turo-Militum, à Eléonore de Montfort, et donna aux Teutoniques, à titre de compensation, une rente annuelle de 7,000 besants, à percevoir sur les entrées du port d'Acre.
Nous devons donc conclure de là que le peu qui subsiste de cette forteresse doit être considéré comme datant de la première moitié du XIIIe siècle.
1. Léo Drouyn, La Guyenne militaire tome II, pages 56, 346-354.
2. Familles d'Outre-Mer, page 468.
3. Huillard-Bréholles, Histoire diplomatique de Frederici secundi, tome II.
Sources : Rey (Emmanuel Guillaume), Etude sur les monuments de l'architecture militaire des croisés en Syrie et dans l'Ile de Chypre. Paris, Imprimerie Nationale M. DCCC. LXXI.
Guillaume de Tyr ,identite et rapport avec la croisade
______________
1. Marin, dans son Histoire de Saladin, et plusieurs autres auteurs ont prétendu que Guillaume, venu en Europe pour prêcher la croisade, n'était point celui qui a écrit l'histoire du royaume de Jérusalem. Cette assertion n'est fondée que sur un passage assez obscur du continuateur de cet historien. Voyez ce que nous en ayons dit dans l'extrait de Guillaume de Tyr (Bibliothèque des Croisades, t, I).
Le continuateur de Baronius disserte sur l'époque de la mort de Guillaume, et ne trouve rien de certain à cet égard. Cependant son commentateur Mansi croit que cette mort dut arriver avant 1193, puisqu'au commencement de cette année, Jocsius occupait le siège de Tyr, et qu'en qualité de chancelier royal, Il souscrivit une charte d'Henri de Troyes, comte palatin, en faveur de l'hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem. L'auteur de l'Orient christianus n'a point éclairci les doutes des gens éclairés ; mais il parait porté à croire que Guillaume mourut en 1191.
2. Les pièces sont rapportées par Baronius à l'année 1188.
Sources : Joseph-François Michaud - Histoire des Croisades. Dezorby, E. Magdeleine et Cie Editeurs.1841
_________________________
http://www.templiers.net/croisades-michaud/index.php?
page=3_guillaume-de-tyr-preche-la-croisade-en-france
Guillaume, archevêque de Tyr (1), avait quitté l'Orient pour venir en Europe solliciter les secours des princes chrétiens ; il fut chargé par le pape de prêcher la guerre sainte. Guillaume était plus habile, plus éloquent qu'Héraclius, qui l'avait précédé dans cette mission, et surtout plus digne, par ses vertus, d'être l'interprète des chrétiens et de parler au nom de Jésus-Christ. Après avoir enflammé le zèle des peuples d'Italie, il se rendit en France, et se trouva dans une assemblée convoquée près de Gisors
par Henri II, roi d'Angleterre, et le roi de France, Philippe-Auguste. A l'arrivée de Guillaume de Tyr, ces deux rois, qui se faisaient la guerre pour le Vexin, avaient déposé les armes ; les plus braves guerriers de la France et de l'Angleterre, réunis par les périls de leurs frères d'Orient, s'étaient rendus à l'assemblée où l'on devait s'occuper de la délivrance des saints lieux. Guillaume y fut accueilli avec enthousiasme, et lut, à haute voix, devant les princes et les chevaliers, une relation des derniers désastres de Jérusalem. Après cette lecture, qui arracha des larmes à tous les assistants, le pieux envoyé exhorta les fidèles à prendre la croix.
« La montagne de Sion, leur dit-il, retentit encore de ces paroles d'Ezéchiel : O fils des hommes, ressouvenez-vous de ce jour ou le roi de Babylone a triomphé de Jérusalem ! Dans un seul jour est arrivé tout ce que les prophètes ont annoncé de malheur à la ville de Salomon et de David. Cette cité, naguère remplie de peuples chrétiens, est restée seule, ou plutôt elle n'est plus habitée que par un peuple sacrilège. La souveraine des nations, la capitale de tant de provinces a payé le tribut imposé aux esclaves. Ses portes ont été brisées et ses gardiens exposés avec les vils troupeaux dans les marchés des villes infidèles. Les états chrétiens d'Orient qui faisaient fleurir la religion de la croix en Asie et devaient défendre l'Occident de l'invasion des Sarrasins, sont réduits à la ville de Tyr, à celles d'Antioche et de Tripoli. Nous avons vu, selon l'expression d'Isaïe, le Seigneur étendant sa main et ses plaies depuis l'Euphrate jusqu'au torrent de l'Egypte. Les habitants de quarante cités ont été chassés de leurs demeures ; dépouillés de leurs biens, ils errent, avec leurs familles éplorées, parmi les peuplés de l'Asie, sans trouver une pierre où reposer leurs têtes. »
Après avoir retracé ainsi les malheurs des chrétiens d'Orient, Guillaume reprocha aux guerriers qui l'écoutaient de n'avoir point secouru leurs frères, d'avoir laissé ravir l'héritage de Jésus-Christ. II s'étonnait qu'on pût avoir une autre pensée, qu'on pût chercher une autre gloire que celle de délivrer les saints lieux ; et, s'adressant aux princes et aux chevaliers : « Pour arriver jusqu'à vous, leur dit-il, j'ai traversé les champs du carnage ; à la porte même de cette assemblée, j'ai vu se déployer l'appareil de la guerre. Quel sang allez-vous répandre ?
Pourquoi ces glaives dont vous êtes armés ?
Vous vous battez ici pour la rive d'un fleuve, pour les limites d'une province, pour une renommée passagère, tandis que les infidèles foulent les rives du Siloé, qu'ils envahissent le royaume de Dieu, et que la croix de Jésus-Christ est traînée ignominieusement dans les rues de Bagdad !
Vous versez des flots de sang pour de vains traités, tandis qu'on outrage l'évangile, ce traité solennel entre Dieu et les hommes !
Avez-vous oublié ce qu'ont fait vos pères ?
Un royaume chrétien a été fondé par eux au milieu des nations musulmanes. Une foule de héros, une foule de princes nés dans votre patrie, sont venus le défendre et le gouverner. Si vous avez laissé périr leur ouvrage, venez du moins délivrer leurs tombeaux qui sont au pouvoir des Sarrasins. Votre Europe ne produit-elle donc plus des guerriers comme Godefroy, Tancrède et leurs compagnons ?
Les prophètes et les saints ensevelis à Jérusalem, les églises changées en mosquées, les pierres même des sépulcres, tout vous crie de venger la gloire du Seigneur et la mort de vos frères. Eh quoi ! le sang de Naboth , le sang d'Abel, qui s'est élevé vers le ciel, a trouvé un vengeur, et le sang de Jésus-Christ s'élèverait en vain contre ses ennemis et ses bourreaux !
L'Orient a vu de lâches chrétiens que l'avarice et la crainte avaient rendus les alliés de Saladin : sans doute ils ne trouveront point d'imitateurs parmi vous ; mais rappelez-vous que Jésus-Christ a dit : Celui qui n'est pas pour moi est contre moi. Si vous ne servez point la cause de Dieu, quelle cause oserez-vous défendre ?
Si le roi du ciel et de la terre ne vous trouve point sous ses drapeaux, où sont les puissances dont vous suivrez les étendards ?
Pourquoi donc les ennemis de Dieu ne sont-ils plus les ennemis de tous les chrétiens ?
Quelle sera la joie des Sarrasins au milieu de leurs triomphes impies, lorsqu'on leur dira que l'Occident n'a plus de guerriers fidèles à Jésus-Christ et que les princes et les rois de l'Europe ont appris avec indifférence les désastres et la captivité de Jérusalem ! »
Ces reproches, faits au nom de la religion, touchèrent vivement le coeur des princes et des chevaliers. D'après le chroniqueur Benoît de Peterborough, Guillaume de Tyr prêcha d'une manière si admirable, qu'il les détermina tous à prendre la croix et que ceux qui étaient ennemis dévinrent amis. Henri II et Philippe-Auguste s'embrassèrent en pleurant et se présentèrent les premiers pour recevoir la croix. Richard, fils de Henri et duc de Guyenne ; Philippe, comte de Flandre ; Hugues, duc de Bourgogne ; Henri, comte de Champagne ; Thibaut, comte de Blois ; Rotrou, comte du Perche ; les comtes de Soissons, de Nevers, de Bar, de Vendôme ; les deux frères Josselin et Mathieu de Montmorenti, une foule de barons et de chevaliers, plusieurs évêques et archevêques de France et d'Angleterre, firent le serment de délivrer la terre sainte. L'assemblée entière répéta ces mots : la croix la croix ! Et ce cri de guerre retentit dans toutes les provinces.
Le lieu où les fidèles s'étaient réunis fut appelé le « Champ sacré. » On y fit bâtir une église pour conserver le souvenir du pieux dévouement des chevaliers chrétiens. Bientôt toute la France et tous les pays voisins furent animés du vif enthousiasme que l'éloquence de Guillaume de Tyr avait fait naître dans l'assemblée des barons et des princes. L'église ordonna des prières pour le succès de la croisade. Chaque jour de la semaine on récitait à l'office divin des psaumes qui rappelaient la gloire et les malheurs de Jérusalem. A la fin de l'office, les assistants répétaient en choeur ces paroles : « O Dieu tout-puissant ! Qui tiens dans tes mains le sort des empires, daigne jeter un regard de miséricorde sur les armées chrétiennes, afin que les nations infidèles qui se reposent dans leur orgueil et leur vaine gloire, soient abattues par la force de ton bras » (2). En priant ainsi, les guerriers chrétiens sentaient leur courage se ranimer, et juraient de prendre les armes contre les musulmans.
Sources : Joseph-François Michaud - Histoire des Croisades. Dezorby, E. Magdeleine et Cie Editeurs. 1841
Notes
1. Marin, dans son Histoire de Saladin, et plusieurs autres auteurs ont prétendu que Guillaume, venu en Europe pour prêcher la croisade, n'était point celui qui a écrit l'histoire du royaume de Jérusalem. Cette assertion n'est fondée que sur un passage assez obscur du continuateur de cet historien. Voyez ce que nous en ayons dit dans l'extrait de Guillaume de Tyr (Bibliothèque des Croisades, t, I).
Le continuateur de Baronius disserte sur l'époque de la mort de Guillaume, et ne trouve rien de certain à cet égard. Cependant son commentateur Mansi croit que cette mort dut arriver avant 1193, puisqu'au commencement de cette année, Jocsius occupait le siège de Tyr, et qu'en qualité de chancelier royal, Il souscrivit une charte d'Henri de Troyes, comte palatin, en faveur de l'hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem. L'auteur de l'Orient christianus n'a point éclairci les doutes des gens éclairés ; mais il parait porté à croire que Guillaume mourut en 1191.
Guillaume de Tyr
http://www.kobayat.org/data/documents/crusades/guillaume_de_tyr/notice.htm
NOTICE SUR Guillaume de Tyr ARCHEVÊQUE DE TYR
L'EUROPE toute entière a pris part aux Croisades ; mais c'est à l'histoire de France bien plus qu'à toute autre que se rattache celle de ces grandes expéditions. Un pèlerin français, Pierre l'ermite, a prêché la première Croisade; c'est en France, au concile de Clermont, qu'elle a été résolue; un prince dont le nom est demeuré français, Godefroi de Bouillon, l'a commandée; le royaume de Jérusalem a parlé la langue de nos pères; les Orientaux ont donné à tous les européens le nom de Francs; pendant deux siècles, la conquête ou la défense de la Terre-Sainte se lie étroitement à tous les sentiments, à toutes les idées, à toutes les vicissitudes de notre patrie; un roi de France, Saint-Louis, est le dernier qui ait rempli l'Orient de sa gloire. Enfin, parmi les historiens des Croisades, la plupart et les plus illustres, Jacques de Vitry, Albert d'Aix, Foulcher de Chartres, Guibert de Nogent, Raoul de Caen, Ville-Hardouin, Joinville et tant d'autres sont des Français.
Quelques savants ont soutenu que Guillaume de Tyr l'était également; d'autres ont revendiqué pour l'Allemagne l'honneur de lui avoir donné naissance. L'une et l'autre prétention paraissent mal fondées. En plusieurs endroits de son livre, notamment dans sa préface, Guillaume parle de la Terre Sainte comme de sa patrie; Hugues de Plagon[1], son continuateur, le fait naître à Jérusalem, et Etienne de Lusignan, dans son Histoire de Chypre, le dit parent des rois de Palestine. On s'est étonné à tort de ces incertitudes et du silence des chrétiens d'Orient sur l'origine et la vie du prince de leurs historiens. C'est à des temps de loisir et de paix qu'il appartient de recueillir avec soin de tels détails et de veiller à la mémoire d'un écrivain. Presque étrangers dans leur nouvelle patrie, assiégés dans leur royaume comme des bourgeois dans les murs de leur ville, sans cesse en proie aux plus cruelles souffrances et à des périls croissants, les chrétiens d'Orient ne pensèrent jamais qu'à se recruter et se défendre; la vie de ce peuple, la durée de cet Empire fut un long accès de dévotion et de gloire; l'accès passé, l'Empire tomba, le peuple lui-même périt; et tant qu'il vécut, toute sécurité dans le présent, toute confiance dans l'avenir lui fut inconnue. Une société ainsi violente et transitoire peut avoir ses historiens ; les grandes choses n'en manquent jamais; mais l'historien lui-même est sans importance aux yeux de ceux qui l'entourent, et nul ne songe à conserver des souvenirs qui n'intéressent que lui.
Aussi est-ce uniquement de Guillaume de Tyr lui-même que nous recevons quelques renseignements sur sa vie; il les a semés dans son ouvrage, sans dessein et par occasion, pour indiquer comment il a été informé des événements qu'il raconte. Nous y voyons qu'il était enfant, vers l'an 1140, et qu'en 1162, au moment du divorce du roi Amaury et d'Agnès d'Édesse, il étudiait les lettres en Occident, probablement à Paris. De retour à Jérusalem, il obtint la faveur d'Amaury, et dut à sa protection, en 1167, l'archidiaconat de la métropole de Tyr. Mais, en l'élevant aux dignités ecclésiastiques, le roi n'avait point l'intention de se priver de son secours dans les affaires civiles. Dans le cours de la même année, il l'envoya en ambassade à Constantinople, auprès de l'empereur Manuel Comnène, pour conclure avec ce prince l'alliance qu'il avait lui-même proposée à Amaury contre le sultan d'Égypte. Après s'être acquitté de cette mission, Guillaume, se livrant aux devoirs de son archidiaconat, eut quelques différends avec Frédéric, archevêque de Tyr, et se rendit à Rome, en 1169, pour les faire juger. Ce fut à son retour de Rome que le roi Amaury lui confia l'éducation de son fils Baudouin, alors âgé de neuf ans[2]. Ce prince étant monté sur le trône à la mort de son père, en 1173, le crédit de Guillaume devint plus grand encore; dans le cours de cette même année, il fut nommé chancelier du royaume, à la place de Rodolphe évêque de Bethléem, et au mois de mai 1174, les suffrages du clergé et du peuple l'élevèrent, avec l'assentiment du roi, a l'archevêché de Tyr[3].
On verra, dans son histoire même, quelle part importante il prit dès lors aux affaires publiques, et avec quelle fermeté il défendit le pouvoir du roi son élève contre d'ambitieux rivaux. En 1178, il s'éloigna de la Terre-Sainte pour aller à Rome assister au troisième concile de Latran: " Si quelqu'un, dit-il, veut connaître les statuts de ce concile, les noms, le nombre et les titres des évêques qui y ont assisté, qu'il lise l'écrit que nous en avons soigneusement rédigé, à la demande des Saints-Pères qui s'y trouvaient présents, et que nous avons fait déposer dans les archives de la sainte église de Tyr, parmi les autres livres que nous y avons apportés". Le concile fini, il se mit en route pour la Palestine, avec le comte Henri de Champagne qui s'y rendait suivi d'un nombreux cortège de chevaliers. Mais à Brindes, Guillaume s'en sépara et passa à Constantinople pour y traiter, avec l'empereur Manuel, les affaires, soit du royaume de Jérusalem, soit de sa propre église. Il y demeura sept mois et son séjour fut grandement utile, dit-il, aux intérêts dont il était chargé. De retour en Syrie, il s'acquitta, tant auprès du roi que du patriarche de Jérusalem, de diverses missions qu'il avait reçues de l'empereur, et rentra à Tyr après vingt-deux mois d'absence.
Ici Guillaume cesse de nous fournir aucun renseignement sur sa vie; son histoire s'arrête en 1183, et, à partir de cette époque, les faits épars que nous recueillons d'ailleurs sur ce qui le concerne sont pleins de contradictions et d'incertitudes. D'après l'un de ses continuateurs dont nous publierons l'ouvrage à la suite du sien, il eut de violents débats avec le patriarche de Jérusalem, Héraclius, dont il avait combattu l'élection et refusait de reconnaître l'autorité. Guillaume se rendit à Rome pour faire juger sa querelle, et il y fut si bien accueilli du pape et des cardinaux qu'Héraclius, craignant que son rival n'obtint sa déposition, envoya secrètement à Rome un de ses médecins avec ordre de l'empoisonner, ce qu'il exécuta. Ce fait, s'il était vrai, ne pourrait guère être placé plus tard que vers l'an 1184; or, on trouve, en 1188, Guillaume, archevêque de Tyr, prêchant la Croisade aux rois de France et d'Angleterre, Philippe-Auguste et Richard Cœur-de-Lion, sous le fameux ormeau dit de la conférence, entre Gisors et Trie. Tout porte à croire que ce Guillaume est le même que notre historien, et qu'après la prise de Jérusalem par Saladin, il avait passé les mers pour solliciter les secours des princes d'Occident. C'est là, du reste, la dernière trace qu'on rencontre de son existence. Quelques savants ont prétendu qu'il mourut octogénaire à Tyr, en 1219. Mais leur opinion est victorieusement repoussée par une charte de l'an 1193 qui nous apprend qu'un autre prélat occupait alors le siège de Tyr. Guillaume était donc mort à cette époque. Nous n'avons aucune autre donnée qui détermine avec plus de précision le terme de sa vie et nous fasse connaître ses derniers travaux.
Il avait écrit, nous dit-il lui-même, deux grands ouvrages, entrepris l'un et l'autre à la sollicitation du roi Amaury qui avait fourni à l'historien tous les secours dont il avait pu disposer. Le premier comprenait l'histoire des Arabes, depuis la venue de Mahomet jusqu'en 1184[4]; livre précieux sans doute, puisque Guillaume avait eu connaissance d'un grand nombre de manuscrits arabes qu'il ne nomme point, mais où il avait dû puiser des renseignements importants. Soit que cet ouvrage ait été perdu, soit qu'il existe encore ignoré dans la poussière de quelque grande bibliothèque, il n'a jamais été publié. Le second est l'histoire des Croisades depuis le temps des successeurs de Mahomet jusqu'à l'an 1183, dont nous donnons ici la traduction. Il est divisé en 23 livres. Dans les quinze premiers qui vont jusqu'en 1142, l'historien raconte des événements qu'il n'avait point vus, mais sur lesquels il avait recueilli les traditions les plus circonstanciées et les plus exactes. Les huit derniers renferment l'histoire de son propre temps.
Il est difficile de déterminer avec précision à quelle époque Guillaume entreprit ce grand travail. On peut conjecturer cependant que ce fut vers l'an 1169, au moment où le roi Amaury lui confia l'éducation de son fils. Il suspendit et reprit deux fois son ouvrage, interrompu sans doute par les missions dont il fut chargé, soit à Constantinople, soit en Occident. Arrivé à l'époque ou le royaume de Jérusalem penchait vers sa ruine, où chaque événement lui portait un coup qui semblait et qui présageait en effet le coup mortel, une profonde tristesse s'empara de l'historien, et il l'exprime, en commençant son vingt-troisième livre, avec un amer pressentiment de maux plus grands encore que ceux dont il se prépare à parler. Soit que cette tristesse ou des circonstances extérieures l'aient empêché de continuer, le vingt-troisième livre s'arrête au premier chapitre, et l'archevêque de Tyr, qui eut la douleur de voir Jérusalem retomber aux mains des infidèles, s'épargna du moins celle de le raconter.
C'est avec raison qu'on s'est accordé à lui donner le titre de Prince des historiens des Croisades. Nul n'a décrit avec plus de détails et de vérité, d'une façon à la fois plus simple, plus grave et plus sensée, ces brillantes expéditions, les mœurs des Croisés, les vicissitudes de leur sort, tous les incidents de cette grande aventure. Chrétien sincère et partageant du fond du cœur les croyances et les sentiments qui avaient poussé les Chrétiens à la conquête de la Terre-Sainte, Guillaume raconte leurs triomphes ou leurs revers avec une joie ou une tristesse patriotique; et assez éclairé cependant pour ne point s'abuser sur la marche des événements, il ne dissimule ni les vices ni les fautes des hommes, et les expose avec sincérité, sans jamais croire que la sainteté de la cause chrétienne en soit altérée, en sorte qu'on trouve à la fois dans son livre une conviction ferme et un jugement qui ne manque ni d'impartialité ni de droiture. Son érudition historique et géographique, quoique fort défectueuse, est supérieure a celle des autres écrivains de la même époque; sa crédulité est moins absolue; on reconnaît aisément qu'il n'a pas, comme tant d'autres, passé en pèlerin sur les lieux où les événements se sont accomplis, qu'il a recueilli des récits divers, et juge les faits après avoir assisté à leurs conséquences. On peut dire enfin de lui que, de son temps, nul n'a fait aussi bien, et que son livre est encore, pour nous, celui où l'histoire des Croisades se fait lire avec le plus d'intérêt et de fruit.
Il fut publié, pour la première fois, à Bâle, en 1549, in-folio, par Philibert Poyssenot de Dôle. Henri Pantaléon en donna une nouvelle édition dans la même ville en 1564, et y joignit l'un des continuateurs de Guillaume, Hérold, dont nous parlerons ailleurs. Enfin, Bongars, après en avoir revu le texte sur plusieurs manuscrits, l'inséra dans le tome 2 de ses gesta Dei per Francos. C'est sur cette édition qu'a été faite la traduction que nous publions aujourd'hui.
En 1573, Gabriel Dupréau en donna à Paris une version française, sous le titre de Franciade orientale; mais cette version, pleine, de fautes et maintenant illisible, n'a jamais obtenu ni mérité aucune estime. Nous avons joint à la notre un assez grand nombre de notes, géographiques surtout, pour faire connaître la position et le nom actuel des principaux lieux dont Guillaume de Tyr fait mention. C'est la partie la plus obscure de l'histoire des Croisades, et malgré nos recherches, nous regrettons de n'avoir pu résoudre toutes les difficultés.
Nous avons laissé subsister dans le texte les noms orientaux tels que les a écrits l'historien, mais en ayant soin d'indiquer dans de courtes notes, autant du moins que nous l'avons pu et que le permet l'incertitude de l'orthographe, les noms véritables. Nous avons également relevé les principales erreurs de chronologie et d'histoire, non dans le dessein de rectifier pleinement les inexactitudes du récit de Guillaume de Tyr, mail pour faire disparaître les lacunes et les méprises qui en rendraient l'intelligence difficile au lecteur.
La bibliothèque du roi possède un beau manuscrit de Guillaume de Tyr, et dix-huit exemplaires d'une version française qui mérite d'être consultée. Il en existe également deux traductions italiennes, l'une de Joseph Horologgi, publiée à Venise, in-4°., en 1562; l'autre de Thomas Baglioni, publiée aussi à Venise, in-4°., en 1610, et inférieure, dit-on, à la précédente. Nous regrettons de n'avoir pu nous les procurer.
F. G.
[1] C'est le nom que lui donne Meusel dans sa Bibliotheca historica, tom. 2, part. 2, pag. 294. Selon d'autres, c'est Bernard le trésorier. Nous en parlerons en publiant son ouvrage, ainsi que de Jean Hérold, autre continuateur de Guillaume de Tyr.
[2] Dans la Biographie universelle, à l'article Guillaume de Tyr, article rédigé d'ailleurs avec beaucoup d'exactitude et de soin, M. Michaud rapporte à l'an 1167 l'élévation de Guillaume aux fonctions de gouverneur du prince Baudouin. Il ne peut les avoir reçues qu'en 1169, car Baudouin était né en 1160, et Guillaume dit lui-même (liv. 21 ) qu'il avait neuf ans lorsqu'il lui fut confié. On voit d'ailleurs que, de 1167 à 1169, Guillaume fit plusieurs voyages à Constantinople et à Rome, voyages qu'il n'eut guère pu concilier avec l'éducation du jeune prince.